Stan Winston est, bien entendu, avant tout connu comme un spécialiste des effets spéciaux. Après avoir été formé dans ce domaine chez Disney, il accumule les expériences à la télévision ou au cinéma (ZOLTAN, LE CHIEN SANGLANT DE DRACULA...) avant que le destin ne frappe à sa porte sous la forme d'un cyborg nommé TERMINATOR. Cette production moyenne rencontre un énorme succès et accélère nettement la carrière de son réalisateur James Cameron et de Stan Winston, chargé des trucages et notamment du squelette mécanique. Les deux hommes collaborent à nouveau sur ALIENS, un projet bien plus fortuné, qui vaut à Winston un Oscar. Puis, il travaille sur L'INVASION VIENT DE MARS de Tobe Hooper, encore une grosse production, mais qui est cette fois un échec commercial. Qu'importe, puisque l'équipe de Stan Winston est désormais considérée comme l'une des meilleures d'Hollywood.

Il considère alors que le moment est idéal pour s'essayer à la réalisation, ce qui est d'autant plus vrai que, à la même époque, plusieurs maquilleurs réputés se lancent dans ce genre d'aventures, comme Chris Wallas (LA MOUCHE 2) ou John Carl Buechler (TROLL, VENDREDI 13, CHAPITRE 7 : UN NOUVEAU DÉFI...). Un budget modeste de 3,5 millions de dollars est donc alloué à Stan Winston par la compagnie de Dino De Laurentiis pour qu'il dirige LE DÉMON D'HALLOWEEN. Bien que son sujet soit centré sur un monstre créé par son studio, Winston décide de se concentrer sur la réalisation, et confie l'élaboration du monstre "Potiron" ("Pumpkinhead" en version originale) à ses collaborateurs. En ce qui concerne le casting, seul Lance Henriksen (vu peu avant dans ALIENS) peut se prévaloir d'une certaine notoriété, les autres comédiens n'ayant connu que des carrières plus discrètes. On reconnaît tout de même, parmi les adolescents, Jeff East, qui a incarné le Clark Kent adolescent de SUPERMAN.

Lors d'une virée à la campagne, une bande de jeunes citadins turbulents renverse et tue le fils de Ed Harley, un épicier pour qui son petit garçon est tout au monde. Assoiffé de vengeance, il se souvient d'une légende de son enfance, qui veut qu'une sorcière de la région soit capable de lâcher un démon aux trousses de criminels afin d'accomplir une vengeance. Il se rend chez la vieille femme, qui ramène à la vie le démon "Pumpkinhead". Celui-ci part alors en chasse, pour tuer les adolescents qui se sont réfugiés dans une maison isolée...

LE DÉMON D'HALLOWEEN bénéficie d'un arrière-plan campagnard assez original pour un film d'épouvante. Plutôt que de décrire l'Amérique profonde comme un concentré de tarés en tous genres (de 2000 MANIACS, titre vidéo, jusqu'à DÉTOUR MORTEL), il adopte le point de vue d'un épicier de l'arrière-pays, vivant avec, pour seul compagnie, son fils. Confronté à la perte de ce dernier par la faute de citadins irresponsables (le motard qui a provoqué l'accident était ivre et a pris la fuite), il demande à la rebouteuse locale d'user de son savoir occulte afin de faire s'accomplir une vengeance qu'il juge légitime.

A partir de cet argument, LE DÉMON D'HALLOWEEN va porter un regard moral et intéressant sur la notion de vengeance. Personnage a priori sympathique, Ed se rend compte, trop tard, qu'il a laissé la colère et la haine l'aveugler, jusqu'à le faire se compromettre avec les puissances maléfiques. Un lien étrange va le lier à "Pumpkinhead" : ainsi, plus la vengeance progresse, plus le démon prend une allure humaine, tandis que Ed commence à ressembler à un monstre. En invoquant l'aide des forces démoniaques, il s'est engagé à payer un tribut aux puissances de l'enfer, tribut dont il ne prend conscience que progressivement. Cette réflexion sur la haine et la colère se présente donc comme un espèce de conte rural et faustien.

LE DÉMON D'HALLOWEEN est en plus une réussite visuelle remarquable. S'il n'invente rien, il emploie tout de même astucieusement des éclairages expressionnistes forts, plongeant l'action nocturne dans des ambiances monochromes (bleu nuit ou orange) garants d'atmosphères fantastique imparables. Les décors aussi sont somptueux, que ce soit les vastes extérieurs naturels ou de superbes décors de studio. La maison de la sorcière, l'église en ruines ou le cimetière abandonné sont ainsi d'admirables réussites atmosphériques et graphiques. On peut en dire tout autant du superbe monstre conçu par les collaborateurs de Winston : cette longue silhouette efflanquée et démoniaque, toujours admirablement mise en valeur par la lumière, est une merveille, racée et impressionnante, bénéficiant, en plus, de visages (le monstre évolue physiquement tout au long du métrage) remarquablement expressifs.

Toutefois, LE DÉMON D'HALLOWEEN n'est pas aussi réussi qu'il pourrait l'être. La chasse aux adolescents par "Pumpkinhead", qui devrait pourtant être la partie la plus efficace du métrage, tend à être la plus faible. Si le personnage de Ed est décrit avec soin, on ne peut pas en dire autant des jeunes citadins, plus ou moins réduits à des stéréotypes s'agitant en vain, la plupart étant, à l'évidence, vouée à finir sur le tableau de chasse du démon vengeur. Le film tourne alors à un slasher banal, évoquant, dans une certaine mesure, JEEPERS CREEPERS 2, mais en bien moins efficace.

Partant d'un point de départ intéressant, LE DÉMON D'HALLOWEEN est un film certes inégal, mais qui bénéficie de réelles qualités visuelles et reste une oeuvre qui mérite largement le coup d'œil. Toutefois sa sortie se fera dans une certaine confusion. D'une part, les collaborateurs de Dino De Laurentiis veulent le sortir pour Halloween 1988, en tentant de le faire passer pour un film lié à cette fête, ce qui n'est pourtant pas son cas. Finalement, le titre sort en janvier 1989, et connaît un petit succès. En France, il est présenté au Festival du Film Fantastique de Paris en 1988, où il décroche le Prix de la meilleure première oeuvre. Mais, il ne sort dans notre pays, directement en vidéo, que tardivement, en 1992, sous le titre LE DÉMON D'HALLOWEEN. Plus tard, il sera tourné une suite, inédite en France : PUMPKINHEAD II : BLOOD WINGS, dans laquelle Stan Winston n'est pas impliqué. Lui, de son côté, reviendra à la réalisation de long-métrage à une seule occasion : le film d'aventures fantastiques et familiales UPWORLD (titre vidéo)
iGore
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le 19 oct. 2011

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