Ce que j'ai aimé dans Pusher c'est sa simplicité.
Simplicité dans le scénario : un petit dealer qui emprunte de l'argent à un "parrain" yougoslave, puis ne pouvant rembourser suite à une affaire avec les flics, essaie de rassembler l'argent par tous les moyens, même les moins digne. C'est très simple et dépourvu de gros bouleversement, la force c'est qu'on a l'impression que c'est le genre d'histoire qui peut arriver et qui arrive.
Simplicité dans les dialogues : dans beaucoup de films, il y a des personnages avec une répartie de dingue, ils te balancent des putain de répliques qu'ils te sortent sans réfléchir, et dans les dialogues, les mecs, qu'ils soient jardinier ou boulanger, ont tous une culture et une capacité de réflexion digne des meilleurs politiciens. Ici c'est tout l'inverse, les dialogues ne sont pas sur-écrits, les mecs ont des sujets de discussions tout pourris et ils répondent souvent comme un Arsène Wenger des grands jours (hommage à ce commentateur dantesque) du genre "Oui", "Non", "Ah", "Ok", enfin ils répondent comme tout le monde en fait. Et ça aussi, ça fait qu'on s'identifie à mort, les mecs sont aussi cons que nous.
Simplicité dans les personnages : pas de traffic de drogue à l'échelle mondiale, personne ne sauve le monde, d'ailleurs personne ne sauve personne et les gestes héroïques n'existe pas ici, ce ne sont que des petites frappes qui essaient tous de sauver leur peau et tirer leur épingle du jeu. Pourtant les personnages sont juste géniaux et c'est le gros point fort du film. Le parrain yougoslave dans le rôle typique du mec qui fait genre qu'il est ton pote tout le long mais qui montre les dents quand tu pousses trop, le mec qui a un discours rassurant et qui est inquiétant tout le long, avec qui tu sais pas sur quel pied danser, tu sais pas si c'est ton ami ou ton ennemi, et tu sais que si c'est ton ennemi, t'es grave dans la merde, tu te demandes tout le long du film quand est-ce qu'il va péter un cable. Son homme de main bien barraque et bourrin qui rêve d'ouvrir un resto. Le héros désespéré, entre la vie et la mort tout le long du film, victime de menaces, intimidations, tout le monde autour de lui l'arnaque, mais il dit jamais rien, reste calme mais bouillonne de l'intérieur et prêt à tout pour résoudre ses soucis. Sa copine, pas forcément belle, aucun mannequin ni beau gosse dans ce film, que des gens presque normaux qu'on croiserait dans la rue n'importe quand. Et j'en passe des personnages mais ce film est une belle fresque du banditisme d'en bas.
Simplicité dans le jeu d'acteur : franchement on peut presque dire que les acteurs sous-jouent. L'acteur principal notamment, il joue un mec qui est dans une merde pas possible, et pourtant il ne fait pas des centaines de grimaces dans tous les sens, on le sent bouillonner tout le long du film, et on comprend ça aussi, mais il garde tout le temps son calme, en apparence tout du moins, pour péter un cable de temps en temps, là dessus aussi on a l'impression qu'on ferait pareil, tout le monde a envie de garder un semblant de dignité et personne ne se mettrait à chialer dans la rue.
Simplicité dans la réalisation : pas de travelling de ouf ici avec des grues et des chariots dans tous les sens, non là tout est flimé plus ou moins caméra à l'épaule avec une qualité d'image assez douteuse (même pour un film des années 90, je trouve) et on a juste l'impression que c'est un mec qui a pris son caméscope pour filmer des trucs à l'arrache puis il en a fait un film.
Au final le film garde une simplicité que j'ai trouvé assez stupéfiante et plutôt rafraichissante, et c'est d'ailleurs ce que les détracteurs reprochent peut-être, il y a pas de grandes frasques ni de retournement dantesque. Moi c'est justement ce que j'ai adoré, tout est simple et limpide, on a l'impression que tout se passe en bas de chez nous (bon, sauf que les gens parlent danois), rien n'est carricaturé ou exagéré, tout est crédibles, et pourtant les personnages sont construits et charismatiques. Après, je mets un petit 7 parce qu'il manque l'étincelle, un truc qui me rend amoureux du film, un personnage ou une scène qui sort du lot, mais ce sera comblé par le second volet de Pusher et sa fin sublime.