Cette critique plus standard a été écrite dans le cadre d'un travail universitaire.


A l'heure où le cinéaste danois fait parti du jury de la quinzaine cannoise, plongeons presque vingt ans en arrière dans le coeur de Copenhague, où commencèrent les premiers pas du réalisateur. Pègre, chaos, héroïne et autres amuse-gueules sont alors les véritables pièces maitresses qui orchestreront nos personnages au bord du gouffre qui les menacent de jour en jour.


Suivant du regard caméra en épaule ces personnages dans les abysses d'une ville malade, nous suivons Frank qui essaye de gagner de l'argent avec divers trafics qui règnent dans la capitale danoise. La couleur est annoncé dès les premiers plans : la proximité sera de mise. Bien que les mouvements de caméra restent hésitants et parfois le cadrage en subit les conséquences, cela ne fait qu'enrichir l'approche réaliste que dégage l'oeuvre. A l'aube du Dogme95 que Von trier et Vinterbeg avait instauré un an plus tôt, on retrouve la vision brute du monde qui nous entoure. Accentué par les gros plans, le film oscille entre fiction et documentaire le transformant peu à peu en réel témoignage.


La vive chute dans cet univers sera d'autant plus brutal que l'histoire avance : encouragée par les dialogues souvent improvisés des acteurs, l'histoire s'établie dans le présent ne laissant qu'un vague espoir brumeux au futur. Ce monde instable et dangereux nous inquiétera, et nous tiendra en haleine jusqu'à la fin. Rien ne semble écrit, le film s'écrit à chaque plan, à chaque réplique, le rendant inédit par la fulgurances de l'instant. Là où de nombreux films avaient déjà abordé le monde du crime, Refn fait un film sur ces personnes qui vivent dans ce milieu. Refusant de plonger dans un misérabilisme ou dans l'éloge facile d'individus tourmentés, on nous montrera sans complaisance le vrai, où aucun héros n'existe et le monde manichéen est oublié tant il serait un échappatoire aux dangers qui résident constamment dans les viscères citadines.


La masse silencieuse vagabondant nous est peint aux travers de Frank, Milo ou encore Tonny, chacun participe au business. Il aurait été commun de nous montrer Milo en tant que véritable némésis de Frank, mais au final, Milo se bat aussi pour sa survie dans ce monde hostile. On suit l'histoire sans jugement de valeurs et on s'attache à ces personnages, on ne veut que du bien pour eux malgré tout les défauts qui les abritent et les enchainent peu à peu dans l'éloignement qu'est la vie fugitive. On sombre peu à peu à leurs côtés et on se dit que la surface ne pourra plus être atteint.


Bien que ce monde violent de la drogue et du trafic soit important, c'est véritablement la psychologie des personnages qui sera développée. Refn nous rappelle la tragédie du destin, on assiste à un drame moderne et intemporel. Les forces extérieurs comme la police, et la menace de la ville, viennent peu à peu paralyser Frank et le scelle dans l'inévitable existence en tant que martyr. Il devra alors lutter contre lui même et contre l'énergie de la fatalité pour essayer de trouver une sortie au tunnel dans lequel il vit. Reprenant les thèmes de la tragédie antique comme l'amour, le pouvoir et la corruption, Refn utilise véritablement le monde de la drogue comme un vecteur qui nous livre une image terriblement humaine de ces multiples visages.


Pusher s'inscrit définitivement dans les œuvres noires qui sont le témoignage d'une violence vécue. Cependant, notre regard bienveillant entretenu du début à la fin et le dénouement ouvert permettent de garder un œil optimiste à cette tragique situation que vivent les personnages du récit.

ectorlavoisier
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le 25 déc. 2014

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