Le John Ford des raisins de la colère, mais dans une veine un peu plus légère. Une petite vallée du pays de Galles. Ses hommes qui rentrent du travail en chantant d'une voix mâle. Le tout vu à travers les yeux d'un enfant.
Un film aux intrigues mêlées, qui repose beaucoup sur les personnages d'une petite communauté, et ce que le temps fait d'eux : la mère adorable mais bornée, le père hostile à la grève, fier et impérieux, mais triste de se disputer avec ses fils, le gamin, Luw, victime d'un accident qui l'handicape momentanément des jambes, le pasteur (Pidgeon), secrètement amoureux de la soeur, mais qui, faut de s'engager, voit son amour épouser le fils du patron...
Dès la première séquence, où l'on voit la sortie de la mine, avec ces hommes noirs fourbus et fiers qui rentrent chez eux en chantant, on sent qu'on est en présence d'un grand Ford. La photographie oscille entre le réalisme social et l'expressionisme (le champ de jonquilles). Il n'y a que la musique, dont les violons accentuent inutilement une dramaturgie qui fonctionne très bien sans, qui fait un peu tâche (notamment ces choeurs à la Disney).
Pour le contenu, on retrouve l'ambivalence de Ford, soucieux de poser les problèmes sociaux sans en tirer les conclusions marxistes, de peur d'avoir à rejeter le "good book". Et la Bible, dieu sait qu'elle est importante, dans ce film qui m'a fait réaliser que Ford est probablement l'un des rares génies chrétiens que le cinéma ait produit. Car le regard se situe à hauteur d'hommes : la caméra a une indéniable tendresse et une compassion non feinte pour les personnages, dans leur statut social, mais aussi dans leurs choix, leurs erreurs, leur acceptation du destin. C'est un film joyeux, même sur la fin, où il fait bon pleurer les morts.
Un grand Ford, sans nul doute.
Vu à la Cinémathèque, merci à Stéphane de m'avoir bougé.