Téchiné, de film en film, ne cesse de s'émerveiller de la découverte de l'homosexualité. C'est ce qui rend ses films à la fois si naïfs - et beaux pour cette raison - et banals tout en même temps. C'est-à-dire que notre capacité d'émerveillement, à nous les spectateurs de ses films, atteint un certain niveau d'épuisement nous laissant circonspects quant à ce qui nous est raconté d'autre que cette découverte sans cesse réitérée.
Il y a, chez Téchiné, un génie du casting. Filmer de jeunes acteurs et des femmes de 50 ans, il sait le faire, ce sont toujours de nouvelles personnes, et en cela son cinéma est un vivier en permanente expansion. Et aussi, parfois, des fulgurances : ici un petit élément de montage saisissant (dans les courses-poursuites entre les deux protagonistes), là une puissance dans la mise en rapport du personnage et du paysage (la branche qui tape contre la vitre, une nuit, dans la chambre du jeune homme). Si à cela on ajoute les affects très forts qui sont mis en jeu, on pourrait ne pas s'ennuyer.
Mais j'ai comme un doute. Un doute narratif d'abord : le film devait-il vraiment s'arrêter là, exactement comme Les Roseaux Sauvages ? La pente finale que prend le récit, - où la mère endeuillée devient le personnage principal lors de quelques scènes,  -  n'est-elle pas un évitement ? L'évitement d'un sujet autre qui n'a pas été traité ?
Doute quant à la mise en scène également : que valent toutes ces scènes, d'école, administratives, agricoles ? Quelle est leur valeur esthétique ? Elles ressemblent à des scories, des choses qui auraient pu être coupées au montage, qui n'ont clairement pas la même puissance lyrique, essentielle que le coeur du récit. Elles mettent en exergue ce lyrisme, pourrait-on penser, mais je n'en suis pas sûr. Je pense au contraire qu'elles le freinent. Que le film, plus nu, plus décharné, deviendrait aussi plus évident.
Enfin, d'autres doutes, des détails qui viennent se glisser dans le film, qui semblent n'avoir pas été vraiment pensés, ou pensés trop vite, à l'instar du fait que le jeune métisse parcourt la montagne au son d'une musique africaine... C'est comme si l'on regardait deux films, l'un qui a été fait par obligation, l'autre par désir, et ces deux coexistent et s'annulent mutuellement, si bien qu'on ne voit rien d'absolument mauvais, rien d'absolument génial, rien d'absolu en somme.

Multipla_Zürn
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le 11 avr. 2016

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