Les romances, c'est loin d'être mon genre préféré. Certains films parviennent toutefois à m'émouvoir ou tout simplement à me faire adhérer à 100% à une histoire que j'aurais de prime à bord qualifier de cucul, gnangnan et j'en passe... La chance pour Kalatozov, c'est que son film est probablement le plus beau que j'ai vu dans le genre. Une belle claque, tant visuelle que scénaristique. L'oeuvre était d'ailleurs à la pointe de ce qui se faisait en matière technique à l'époque.
Le film débute par deux jeunes amoureux qui vagabondent le long d'un fleuve. Ils sont jeunes, insouciants, amoureux. Le spectre de la guerre n'est pas loin mais qu'importe. Boris sait qu'il devra remplir son devoir si les Allemands arrivent non loin de Moscou. Les premiers plans sont sublimes, d'une force incroyable et d'une belle poésie. Nos jeunes tourtereaux regardent alors des grues (et non des cigognes, le titre français est erroné sur ce point. Le choix était volontaire car le mot grue ne sonnait pas bien. Ils l'ont remplacé par cigogne) qui migrent et qui semblent fuir l'hiver rigoureux qui va s'annoncer mais peut-être aussi la guerre. Le fil rouge est lancé.
S'ensuit alors de magnifiques scènes, d'un amour simple. La jeune fille arrive alors à son appartement. Kalatozov va alors démontrer le savoir-faire technique qu'il a imaginé avec son caméraman. Nous voyons Boris courir après Veronika dans les escaliers. La caméra suit la course du jeune homme sans coupure en étant pas dans les escalier mais bien en plein milieu. Le caméraman était suspendu dans le vide avec sa caméra. Formidable plan, qui constituait alors en une véritable innovation.
De plus, sous le régime de Khrouchtchev, c'est le signe d'un assouplissement en matière de propagande. Elle est d'ailleurs quasiment absente du film. Les cinéastes avaient donc droit à une liberté nettement plus grande même si elle n'était pas encore totale. Ici, pas question d'un grand héroïsme ou d'une dénonciation ignoble des Allemands. Leur arrivée se marque juste dans le paysage. De simples plans qui sont petit à petit remplis par des abris ou des hérissons (trois poutres métalliques croisées en leur milieu et ancrées dans du béton) sensés freiner l'avancée des chars ou des hommes.Les bombardements ne sont pas montrés. Nous les suivons avec les citoyens dans le métro. Et nous constatons après les dégâts. Lorsque Boris est au combat, le seul moment du front qui nous est montré est celui où ils sont dans des bois. Les Allemands ne sont jamais montrés et sont un peu des fantômes. Des fantômes du passé qu'il ne faut probablement pas ressurgir. Les plaies d'une URSS qui a souffert sont encore béantes. Lorsque Boris sera touché, ce sera par une balle perdue. Les différentes scènes qui suivent l'effondrement de l'homme sont remarquables et démontrent d'une virtuosité technique remarquable. Il faut également souligner l'incroyable musique du film qui correspond toujours et de manière exacte aux images.
Le pays souffre. Nous le suivons avec les gens mais plus particulièrement Veronika et tous les malheurs qu'elle peut connaître. Desctruction de sa maison, perte de membres de sa famille. Et de plus, elle va perdre son homme Boris. Elle va devoir faire face aux avances du cousin de Boris. Elle finira par craquer. Elle l'épousera mais pas par amour. Il faut dire que le cousin va se montrer très violent lors d'un bombardement, étant presque sur le point d'abuser de la jeune femme.
Pourtant, elle n'abandonne jamais l'espoir de retrouver son Boris. Jamais non plus le cinéaste ne va accuser la jeune femme d'avoir été épouser son cousin. En dépit pourtant du discours du médecin, père de Boris, oncle du cousin et qui héberge la jeune femme depuis la mort de ses parents. Les propos virulents n'entâchent pourtant en rien Veronika. Au contraire, nous nous trouvons à l'accabler de plus en plus. Elle hébergera un enfant, abandonnera son mari et gardera toujours cet espoir. Un espoir fou, impossible de le revoir. Elle comprendra enfin lors du retour de tous les soldats du front. Déçue certes, mais s'étant probablement faite une raison lorsqu'on a annoncé sa mort. Un regard vers le ciel. Les grues reviennent. La paix et l'amour sur l'URSS aussi..
batman1985
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le 6 mai 2011

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batman1985

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