Queen & Slim ‘Critique’, une odyssée romantique et engagée

Premier film de Melina Matsoukas, Queen & Slim est sorti le 12 février 2020 et s’avère être fatalement d’actualité. Qualifié de « Protest art », par sa scénariste, Lena Waithe, il s’inscrit dans le débat de société concernant la condition des noirs aux États-Unis.


Bien que le parallèle avec « Thelma et Louise » est évident, le film s’inscrit dans l’idéologie portée par les mouvements tel que « Black Lives Matter ».


Tout démarre à Cleveland, lors d’un simple rendez-vous galant qui tourne à la cavale dramatique. Alors qu’ils empruntent la route du retour, les deux protagonistes subissent un violent contrôle de police. Pourtant, cette nuit, alors que tout avez bien commencé, Slim (Daniel Kaluuya) dans un acte de légitime défense, abat un policier, scellant ainsi le destin de ce dernier.


Passage à l’acte désespéré, manifeste de défiance envers une société aveugle au sort des afro-américains, ce coup de feu fait basculer le couple dans une forme progressive de rébellion.


L’œuvre ne cesse d’interroger les personnages et spectateurs sur leur rapport au destin. La vie, est-elle pré-déterminée ou faite de chances et d’événements aléatoires ?


Si la réponse n’a rien d’encourageant, il s’agit, ici, de bien plus qu’une question philosophique ou de malchance. Queen & Slim traite de la réalité, celle d’une Amérique rongée par le racisme et les violences faites aux afro-américains.


L’art au service du militantisme


Queen & Slim n’est pas la première œuvre commune de Matsoukas et Waithe. En effet, ces dernières ont déjà collaboré sur un épisode du sitcom « Master of None ». Il est donc d’autant plus intéressant de les voir s’attaquer à un tout autre registre.


Le film s’avère être un savant mélange entre thriller, road movie et film dramatique. Une étonnante combinaison rendue possible par l’alchimie entre les deux acteurs à l’écran, qui se réinventent pour l’occasion.


Daniel Kaluuya (Get Out, Widows), dans un tout autre registre et Jodie Turner-Smith, bluffante, nous offrent une romance envoûtante. A noter des scènes fortes comme celle où Queen se coupe les cheveux, symbole de son détachement avec la société, ou la scène de danse, dans le club.


Queen & Slim est une protestation et un hommage aux opprimés. Les héros deviennent le symbole d’une lutte – un statut dont ils ne se réjouissent à aucun moment. Cependant, ils trouvent dans leur exode des bienfaiteurs aptes à les soutenir, donnant ainsi, des moments d’accalmie et de légèreté au récit.


Un film aux multiples influences


L’oeuvre bénéficie de l’imagination et de l’esthétique soignée dont Matsoukas a su faire preuve durant sa carrière. Originaire des clips (« Formation » de Beyonce), elle s’associe à Tat Radcliffe (photographie), pour nous livrer un résultat saisissant.


Queen & Slim prend le parti d’une mise en scène intimiste, quasi uniquement livrée du point de vue des héros. Un choix que l’on pourrait qualifier de manichéen. Peut-être aurait-il été intéressant de laisser place à une vision extérieure.


Côté bande originale, le film nous régale. Une association avec le label Motown Records et de nombreux artistes et producteurs permet d’offrir des sonorités très variées. Hip-hop, R’n’B, soul et blues sont de la partie, avec des artistes tels que Lauryn Hill avec « Garding The Gates », l’artiste nigérien Burna Boy avec « My Money My Baby » ou encore le crooner Vince Staples en feat avec le rappeur 6lack et la chanteuse Mereba sur « Yo Love ».


Une variété musicale qui colle parfaitement aux propos du film.


Queen & Slim est un hommage aux opprimés


Queen & Slim propose une histoire percutante et sans compromis – un bon mélange entre art et politique. Avec une intrigue bien rythmée, l’œuvre nous invite à nous interroger sur des questions sociétales d’actualité.


Pour citer Lena Waithe à propos du film et d’après les propos le journal américain, Variety « C’est comme si nous ne faisions aucun scrupule à ce sujet – Comme si nous l’avions écrit pour le peuple noir. ». Elle rajoute « Il correspond à son époque. Donc, si d’autres personnes veulent venir écouter, ils sont les bienvenus. »


Rassurez-vous, le message n’en n’est pas pour autant indigeste – Loin de là. Et on doit cela à l’habilité dont fait preuve la scénariste dans son écriture.


Cependant, il est à noter, quelques moments d’incohérences qui vous feront peut-être bondir en disant « non, mais que faites-vous !? ». Ces moments seront vite oubliés au profit de la bonne dose d’humanisme qu’est Queen & Slim.


Malgré un final téléphoné, le film ne tombe pas pour autant dans le piège de la simplicité. Ce premier long-métrage de Matsoukas, si il ne vous laisse pas une impression mémorable, vous laissera à minima songeur.


Un beau récit à aller voir sans hésiter, et on espère, le premier d’une longue suite pour la jeune réalisatrice.

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le 16 févr. 2020

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