Le genre mélodramatique entretient avec le temps une relation complexe et essentielle : il le met en suspens, l’accélère, troue son immédiateté de réminiscences ou de perspectives futures. Et Somewhere in Time l’a si bien compris que sa mise en scène fait temps à elle seule, elle recompose une durée hors de la linéarité en usage dans nos conceptions contemporaines et s’axe sur deux cœurs destinés à s’aimer et à se manquer.


Jeannot Szwarc joue avec les époques, perce son image de fenêtres ouvertes sur un ailleurs que nous emprunterons au fur et à mesure de la romance : il pense sa réalisation comme une chambre d’échos infinis où le portrait encadré au fond du musée occasionne coup de foudre et actions, où la montre implique la possession matérielle de l’être aimé mais guère physique, où les plans se superposent de sorte à augmenter la réalité, où la géométrie du mobilier et de l’espace participe à la caractérisation émotionnelle des personnages en présence. Richard Collier ne cesse d’être retenu prisonnier dans le cadre : par des troncs d’arbres, par des montants de porte, par la composition de flous ou le recours à la demi-bonnette.


La technique cinématographique, ici maîtrisée à la perfection, construit de la poésie, ventile la reconstitution historique, décloisonne les temporalités pour ne cristalliser que la lente mais certaine naissance d’une passion amoureuse. Jane Seymour impose sa beauté sublime et fugace à la fois, une beauté dont la fragilité est mise en évidence à chaque nouvelle séquence : des symboles visibles – la bougie près du lit en est un – rappellent au spectateur et à Richard l’impossibilité de cet amour à s’enraciner dans le concret, que, condamné à manquer l’autre dans son présent, il élit domicile dans le temps, quelque part, pour toujours.


La partition musicale signée John Barry enveloppe l’ensemble de textures pleines de nostalgie et d’élégance, apporte une poésie supplémentaire qui suffit à faire de Somewhere in Time un petit chef d’œuvre qui tire sa grandeur et sa force de sa profonde modestie.

Fêtons_le_cinéma
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le 10 mars 2020

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Plume231
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Naïf, certes, mais très touchant... la force du romanesque et de John Barry... !!!

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