Quand Spielberg rencontre del Toro pour évoquer la souffrance de l'enfant...

Connor est victime de son quotidien partagé entre la maladie de sa mère et les humiliations répétées qu'il subit à l'école. Le soir, le jeune garçon aime dessiner pour enfuir ses émotions. Mais cette nuit-là, quelques minutes après minuit, le grand arbre au milieu du cimetière sur lequel la chambre de Connor donne vue prend vie et vient chercher l'enfant. L'arbre terrifiant lui dit qu'il va lui raconter trois histoires et que quand la dernière sera terminée, ce sera à lui de lui raconter une quatrième histoire. Mais quelle histoire? se demande Connor. Ta vérité lui répond l'arbre...


A Monster Call est le troisième film de Juan Antonio Bayona après l'Orphelinat et the Impossible. Il évoque lui aussi la mort et son refus en utilisant une forme hybride entre réalité et fantastique. Un film dur, mais un très beau film. Le meilleur que j'ai vu à ce jour exprimant le deuil d'un enfant, la souffrance que l'on ne veut pas laisser échapper...


La grande force du film est de nous perdre dans un conte à la morale ambivalente. Il n'y a ni bon, ni mauvais, tout est plus nuancé, plus compliqué que cela en a l'air. Les histoires sortent de la simplicité dualiste pour représenter la vie réelle et l'univers tordu de l'humanité. Une philosophie qui transforme un grand garçon en jeune adulte. Ces paraboles prennent vie par des illustrations animées faites en aquarelles ou via celluloïds donnant un panel de couleurs illuminant véritablement l'écran.


Les autres forces du film sont liées au casting qui met en scène une Felicity Jones touchée par la maladie, une Sigourney Weaver stricte et dépassée par les évènements et un Liam Neeson jouant au Père Castor de l'autre côté de la Crypte. Le jeune garçon est joué par Lewis MacDougall et son faciès atypique apporte beaucoup à l'empathie que l'on éprouve au long de son parcours.


Petite ombre au tableau, j'ai trouvé que la présence de l'arbre manquait, à certains moments, de finesse dans l'esthétique du film. Sa texture et ses faciès n'étant pas toujours en adéquation avec le ton ou le code graphique de la narration. Rien de très grave mais cela peut légèrement casser son imprégnation dans le film. Après je pense que cela résulte d'un choix afin de s'adresser à un public plus jeune également sans que cela ne soit effrayant pour eux.


Autre petit bémol: la dernière scène du film.


Pour moi, cette scène n'était absolument pas nécessaire. On aurait pu se contenter de le voir monter vers sa nouvelle chambre et d'en refermer la porte avec un plan sur la porte se fermant lentement et cela aurait été parfait. Le voir découvrir sa chambre avec la photo de Liam Neeson (son grand-père en fait) qui est un élément génial de narration de l'histoire mais une redite dans le film. On a déjà aperçu, certes très brièvement, cette photo. Ce qui rend le conte génial dans sa construction et où l'on comprend tout rien qu'avec cette seconde de séquence, mais nous la ressortir à la fin, c'est un peu nous dire "bon pour les deux trois connards qui n'avaient pas bien tout compris, voici le pourquoi du comment parce qu'on veut être bien certain que vous avez pigé le génie de notre histoire"... Le cahier de la mère où l'on voit des dessins illustrant des histoires racontées par l'arbre jusqu'à ce dernier lui-même. C'est dommage, on a déjà compris dans le récit que les histoires contées viennent de choses que sa mère lui a raconté ou qu'il avait pu capter dans ses dires. Ils n'avaient pas besoin d'être représenté à l'identique dans le cahier. Et on a bien compris que la mort du père de sa mère avait été un combat similaire pour elle et qu'elle s'en était sortie d'une manière analogue. Mais qu'on me souligne tout cela par une redite générale qui pour moi sert de scène explicative me gâche un peu la subtilité que le film apporte par son montage et sa narration, et rend également un peu caduc la force de l'imagination humaine à mon sens. J'aurais préféré que ces deux dernières minutes ne fassent pas partie du film. Mais ça ne change pas vraiment la nature de l'histoire pour autant...


En gros, une histoire forte, magnifiquement contée exprimant la souffrance d'un enfant à son paroxysme et servie par un casting jouant son rôle de bien belle manière. Un récit au ton juste pour une histoire marquante. Personnellement ce film m'a véritablement touché, si bien que les larmes se sont échappées non pas discrètement mais à torrents... Une belle surprise.

MathiasBaum
9
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le 11 janv. 2017

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