Quelques Minutes Après Minuit est l'adaptation d'un célèbre roman pour enfant du même nom. L'auteur même de ce livre s'est attelé a écrire l'ensemble du scénario et, à la réalisation, on trouve le jeune cinéaste Juan Antonio Bayona (L'Orphelinat, The Impossible) qui commence à doucement se faire un nom puisqu’il est prévu pour tenir les rennes du prochain Jurassic Park.


Si le matériau de base est un livre (superbement) illustré à destination du jeune public, il n'en recèle pas moins de thèmes forts et, parfois même, durs pour ces pré-ados qui ne sont pas toujours préparés à encaisser les coups les plus violents que leur réserve la vie à cet âge. Ainsi, dans Quelques Minutes Après Minuit, le thème principal tourne autour de l'acceptation de la mort, en particulier celle de la mère de Conor O'Malley, notre protagoniste, en phase terminale de cancer. Conor ne veut pas s'y résigner, en dépit de la voir dépérir jour après jour. Il y a également le harcèlement scolaire qui apparaît, et dans lequel le jeune O'Malley semble trouver un échappatoire, en dépit d'en être la victime. Et puis, toute cette dissension familial, avec une grand-mère stricte, et un père absent vivant de l'autre côté de l'Atlantique, ne fait qu'accroître cette tourmente ténébreuse autour de l'enfant qui se réfugie alors dans les arts, surtout le dessin et la musique. À l'orée de son breakdown émotionnel, c'est alors que le fantastique apparaît dans sa vie, sous forme d'un arbre millénaire qui, l'espace de quelques nuits, se transforme en un géant boisé - entre Groot et un Ent - prêt à confronter Conor à la dure réalité du monde qui l'attend.


Dans son thème principal (les deux autres étant finalement survolés), sa construction du récit (avec des histoires dans l'histoire), et sa touche artistique ayant plus ou moins un lien avec les évènements du récit, le long-métrage fait évidemment penser à The Fountain. En plus accessible, toutefois. Effectivement, quand je parle d'histoires à l'intérieur du film, il s'agit de contes racontés par le "monstre" ; contes dans lesquels Conor laisse vaquer son imagination. Et c'est là que la touche esthétique de l’œuvre marque le spectateur puisque ces historiettes sont présentées en animation, à la façon du Conte des Trois Frères dans Harry Potter, mais en utilisant de l'aquarelle colorée ici. Par ailleurs, plus le film progresse, plus ces contes animés se mêlent à la réalité, pour mieux illustrer la transition que doit opérer Conor en passant à "l'âge adulte". Les effets spéciaux pour mettre en scène l'arbre géant sont également très réussis et permettent de créer des séquences fantastiques au charme indie vraiment prenantes.


Il faut également notre l'énorme prestation du jeune acteur Lewis MacDougall, impressionnant dans sa gestion des émotions. Il porte une grosse partie du film sur ses épaules, puisque l'histoire mise en scène est sensée être le reflet du prisme de la réalité de Conor ; ainsi, il réussit parfaitement à mener le spectateur dans l'évolution de cet enfant. Felictiy Jones, dans le rôle de la mère, est également touchante, et laisse entrevoir une immense tendresse dans ce rapport mère/fils. Le rôle de Sigourney Weaver, important dans le film, est moins présent à l'écran, mais l'actrice est égale à elle-même. Enfin, Liam Neeson, et sa voix aux graves frissonnants qu'il prête au monstre est un élément clé du long-métrage tant il intervient, que ce soit en voix-off, ou justement pour s'adresser à Conor. Et son interprétation vocale est un régal, tout comme le mixage audio réalisé pour la mettre parfaitement en valeur. En parlant d'audio, on a droit à une très jolie bande-son, qui suit les émotions du film, entre poésie et dramaturgie, emprunte d'une certaine sensibilité avec son leitmotiv pianoté ; elle demeure cependant assez classique pour le genre.


Quelques Minutes Après Minuits se révèle donc comme une œuvre touchante, mature dans ses idées, quand bien même le développement du propos garde la portée ado/enfant du roman illustré dont l'histoire est issue. On peut, néanmoins, reprocher quelques points. Si le long-métrage offre des climax émotionnels, on peut en qualifier certains de faciles, à cause du sujet traité, et regretter que le point de vue du film (Conor) n'ait pas permis de créer de réelle empathie à l'égard des personnages. Certaines situations semblent également écourtées un peu rapidement, à l'instar des interactions de Conor à l'école. Et, peut-être à cause de ce montage qui, finalement, offre une expression du fantastique un peu timide alors qu'au début du film elle est pétillante et ne demande qu'à s'épanouir, le long-métrage s'essouffle en partie dans sa progression, ayant du mal à réellement balancer les deux aspect. Quelques Minutes Après Minuits n'en reste pas moins un conte moderne émouvant, sur ce passage abrupt à l'âge adulte dans des conditions tragiques, souligné d'une esthétique intéressante et enchanteresse, même si l'équilibre entre ce monde fantastique et les évènements dramatiques aurait nécessité plus de finesse.

AntoineRA
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le 11 janv. 2017

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AntoineRA

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