Le goût du saké

Sympathique petit film d'une heure (sur ma version en tout cas), Senscritique indique 1h10... une différence de fps sur une si petite durée peut-elle expliquer un tel écart ? A creuser...

Un des films de Kurosawa les plus faiblards que j'ai vu pour le moment, mais certainement pas mauvais contrairement à ce qu'on lit un peu partout. Ce film est accablé de dysphémismes en tout genre pour une raison qui m'échappe... Sa durée, probablement. Les gens sont plus enclins à raconter des bêtises quand c'est court... plus c'est court et moins on a de chances de dire d'âneries... mathématiquement en tout cas. Court, post-Rashomon, noyé dans une filmographie de chef d’œuvres, tous les prétextes sont bons pour en faire le bouc émissaire du lot ("Le plus beau" exclu), les gens se lâchent, c'est trop facile.

Non, ce n'est pas trop surjoué. S'il l'est, alors bon nombre d'autres Kurosawa le sont aussi. La gestuelle et les grimaces de l'histrion Ken'ichi Enomoto ne sont pas dépaysantes ou exagérées au regard des 9 autres chanbara de Kurosawa (oui, il paraît qu'il est considéré en tant que tel, même sans combats), et encore moins si on étend au reste des films japonais de cette époque. Même chose pour les péroraisons de Benkei (Denjirō Ōkōchi), qu'on retrouve un peu partout chez plusieurs autres personnages de la filmographie du maître.

Non, ce n'est pas trop lent. Le rythme est bien dosé. Alors certes, il n'y a grossièrement que 3 "scènes" - la forêt, la frontière, et la beuverie post frontière - dit comme ça, ça semble léger mais il n'y a pas de longueurs. Pour s'emmerder devant ce film, il faut vraiment le vouloir.

Le film ne sombre pas non plus dans le comique pur comme j'ai pu le lire. L'humour n'est pas moins présent dans Sanjuro... et La forteresse cachée est à ce compte-là bien plus comique que ce film.

Autre exemple de cette manie à trouver des défauts là où il n'y en a pas : les décors soit disant pourris. Sérieusement... le film ne transpire pas la dèche non plus... et même si c'était le cas ce qui importe c'est la mise en scène, le jeu d'acteur, les dialogues... le génie de Kurosawa c'est justement de créer une tension palpable avec trois fois rien... la scène de l'interrogatoire à la frontière est une réussite absolue. Et si c'est la seule et bien tant mieux, le reste n'a pas d'importance, le centre du film c'est ça... savoir s'ils vont oui ou non réussir à berner l'officier et son adjoint avec comme seules armes locution et habilité... on s'en cogne du décor non ? Amplifiée par les gros plans sur les visages, mouvements de caméra, mouvements des acteurs, expressions des acteurs... la scène ne manque de rien (sauf peut-être de la présence de Mifune qui aurait été parfait dans ce rôle de garde du corps déguisé en moine... et de celle de Shimura bien présent dans le film mais malheureusement relégué au second plan). Bref, Kurosawa est aux commandes et ça se voit.

Alors ce film reste très secondaire dans la filmographie du maître, mais est tout sauf insipide et chiant (oui parce que j'ai lu la critique d'un zigoto qui trouve le film chiant... ou interminable je ne sais plus... apparemment c'est très subversif de dire qu'on s'est fait chier sur un film d'une heure...).

En tout cas, si c'est une purge, je veux bien être condamné à en voir tous les jours. Un Kurosawa mineur est toujours plus intéressant que les innombrables merdes contemporaines qu'on nous sert à longueur d'année.