La promotion du film vendait du rêve, annonçant crânement une sorte de thriller psychologique au féminin quelque part entre Almodóvar et De Palma, du moins au temps où ces deux-là faisaient encore de bons films. Mais Quién te cantará n’a finalement pas grand-chose à voir avec eux (ici pas de scénario alambiqué ni de mise en scène flamboyante), et c’est davantage du côté de Bergman et de son Persona qu’il faudrait aller chercher un signe, un modèle, pour peu d’ailleurs que cela soit nécessaire (ça ne l’est pas) à la compréhension et la fascination vaporeuse, presque incertaine, du film de Carlos Vermut.


Certes, la définition selon Carl Jung de la persona ("Le moi peut facilement s’identifier à la persona, conduisant l’individu à se prendre pour celui qu’il est aux yeux des autres et à ne plus savoir qui il est réellement") renvoie directement à la mécanique et aux intentions du film. Certes, comme dans Persona, il est question d’une artiste en panne (l’amnésie ayant remplacé un mutisme soudain), d’une maison en bord de mer, de deux femmes qui se lient d’amitié, de deux mondes qui se télescopent et de deux corps qui se complètent. Mais Vermut, depuis La niña de fuego, a su trouver son propre style cinématographique (beauté des plans, ambiance sophistiquée et mise en scène élégante) encore à l’œuvre dans Quién te cantará et qui l’affranchit des références sus-citées, en proposant une autre finalité, d’autres motifs et d’autres expressions.


Cette artiste en panne, c’est Lila Cassen, ancienne star de la chanson rendue amnésique suite à un "accident" (ou serait-ce une tentative de suicide ?) et qu’une fan, Violeta, va aider dans la préparation de son retour sur scène. Vampirisation, jeux de miroirs, trouble de la personnalité et perte d’identité, Vermut décline à l’envi les différentes figures du double, des apparences et de la célébrité jusque dans la description des relations mère/fille (Lila et sa mère, Violeta et sa fille) empreintes d’imitation et de violence. Intrigant, le récit prend malheureusement trop de temps à définir ses enjeux et ses personnages, se désincarnant à la longue et par excès de sinuosités pour ne plus nous toucher ni nous intéresser, et même lors de ce final magnifique (puis magnifiquement tragique).


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le 2 nov. 2018

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