Pardon, mais c'est trop con

A l’âge de Pierre, la tribu des Cheveux Propres (chez qui tout le monde s’appelle Pierre : blague…) se dispute avec celle des Cheveux Sales. Ces derniers veulent voler aux premiers le shampooing qu’ils utilisent pour garder leurs cheveux propres. Alors que le chef des Cheveux sales (Gérard Depardieu) envoie sa fille (Marina Foïs) espionner les Cheveux Propres, voilà qu’un crime est commis chez ces derniers. Le tout premier de l’histoire… Le chef des Cheveux Propres envoie Pierre et Pierre (Jean-Paul Rouve et Pierre-François Martin-Laval) enquêter à la recherche du crimier (comprendre « celui qui a commis le crime » : blague…).

Alain Chabat est un homme bourré de talent. En tant que comique, il a un sens de l’humour et de l'absurde extraordinaire ; en tant que réalisateur, il est loin d’être manchot ; en tant qu’acteur, il sait générer chez son spectateur une irrésistible hilarité… Seulement, on aimerait bien le voir utiliser ce talent à plein temps, comme il sut jadis le faire avec Mission Cléopâtre. Avec son film suivant, Chabat est loin d’égaler cette réussite.
De l’humour, RRRrrrr !!! en est rempli. C’est en effet avec un réel plaisir que l’on retrouve cet humour nonsensique que Chabat hérite de la droite lignée des Monthy Python. Malheureusement, il lui manque deux choses pour égaler les comiques anglais (ceux de Sacré Graal, leurs sketchs, eux, sont beaucoup plus inégaux) : la britannicité et le sens de la mesure. On ne peut évidemment lui reprocher de manquer de la première qualité, mais il pourrait compenser avec la deuxième. Ici, il s’occupe à déployer tous les aspects de son sens aigu de l’absurde sans jamais faire montre de ce sens de la mesure pourtant si précieux… et finit par montrer qu’il ne maîtrise plus rien, préférant sombrer dans le grand n’importe quoi que conserver un sens à son histoire.
En fait, le grand malheur de Chabat, c’est qu’il est né 50 ans trop tard. Là où il aurait fait un excellent comique dans les années 1960, il vit aujourd’hui, et a hérité des tares de son époque, à commencer par une malheureuse absence de rigueur et une paresse monumentale, qui se traduit dans tous les domaines par une sérieuse baisse de qualité. Reste qu’il est souvent difficile de ne pas rire à un tel étalage de blagues et de citations cultes, dont certaines sont tout de même bien craquantes et parviennent à surnager au milieu d’un océan de vide intersidéral, mais ce n'est pas un rire dont on est toujours très fier...
Si on n’est pas trop regardant, on pourra donc réussir à trouver là un honnête divertissement qui assume parfaitement son idiotie. Ou alors, on pourra penser à une époque où l’on trouvait des Fernandel, des Bourvil, des Robert Lamoureux, des Louis de Funès, des Michel Audiard, qui, eux, savaient que le rire n’a pas pour vocation première d’être idiot.