16 nominations, dont une aux Oscars pour Nicole Kidman pour celui de la meilleure actrice, un sacré palmarès, même si finalement aucun prix n'aura été remporté, mais qui néanmoins poussait notre attention vers ce film singulier sur la perte d'un enfant.
Becca (Nicole Kidman) et Howie (Aaron Eckhart) ont perdu leur enfant de 4 ans, Arthur, et huit mois après son décès ils continuent toujours à en faire le deuil, paraissant sans fin. Howie essaie d'extérioriser la chose, tentant de nouvelles expériences, alors que Becca, quant à elle, se ferme un peu plus chaque jours. Les choses prendront un tournant complètement différent lorsqu'elle décidera de rencontrer Jason (Miles Teller), le jeune homme responsable de la mort de leur fils. Peu à peu le pardon et l'acception permettront à Becca de reprendre pied.

A peine la bobine est lancée et l'on sait que l'on va passer un bon moment (si je puis dire). Becca jardine, et la photographie est superbe, les plans sont parfaits, et la métaphore du terrier (« Rabbit Hole ») se fait sentir; creuser un trou pour mieux s'y cacher.
D'ailleurs ça n'est pas un hasard si le discret John Cameron Mitchell reprend son directeur de la photographie habituel, Frank DeMarco, avec lequel il avait réalisé le mythique Hedwig and the Angry Inch.
Mitchell, assurant une mise-en-scène captivante, évite toujours avec une délicatesse merveilleuse le mélodramatique, s'intéressant bien plus aux comportements et façons dont notre couple fait son deuil, plutôt que de ressasser la mort de l'enfant, qu'il ne mettra d'ailleurs pas en scène, si ce n'est dans un brumeux flashback où seuls les regards de Becca et Jason se croiseront — une pudeur d'une incroyable justesse.
Si l'on aurait tendance à penser qu'Howie est celui qui sort la tête de l'eau et Becca celle qui s'enfonce, c'est l'inverse qui se passe, Mitchell opérant un contre-pied progressif, celui qui souffre le plus n'étant pas forcément celui qui fait le plus de bruit. C'est d'ailleurs cet apitoiement de la part de sa famille qui poussera Becca à progressivement couper les ponts avec eux, leur attitude doucereuse ne faisant que l'insupporter un peu plus chaque jours, de même que leur rendez-vous hebdomadaire dans un sordide groupe de discussion réservé aux parents qui ont perdu un enfant, et leur servant d'exaspérants et sempiternels refrains tels « Dieu a un plan ».
Le film nous confronte également à l'insupportable, que faire quand il n'y a personne à blâmer ? Un enfant qui court après un chien qui est sorti de la maison, un jeune homme au volant qui ne le voit pas arriver, un drame comme il en arrive — malheureusement — tous les jours. Quand il y a un coupable les choses peuvent paraître plus « simples », or ici c'est un accident malheureux, mais qui n'empêchera pas ce lycéen de se sentir coupable, et de demander l'absolution auprès d'une femme qui veut tout faire pour réussir à la lui donner.

Bref, Rabbit Hole est une franche réussite, pudique dans son approche, évitant l'apitoiement de ses personnages et les scènes poussant le spectateur à sangloter. Aaron Eckhart est parfait, et on éprouve un réel plaisir à le revoir dans un rôle à sa hauteur, le dernier ayant été très décevant (Battle Los Angeles). Nicole Kidman se montre elle-aussi très convaincante, comme à son habitude, et, chose à préciser, réussi, grâce à son interprétation, à être le véritable centre névralgique du film. D'autres têtes seront également sympathiques à voir, comme Dianne Wiest, dans son rôle de mère pleine de bonnes intentions, de même que Sandra Oh, qui sort pour une fois sa tête de Grey's Anatomy, et pour finir Giancarlo Esposito, que l'on a plaisir à retrouver après toutes ces années d'absence.
Pour conclure, les amateurs de drames servis avec pertinence et sérieux ne pourront qu'applaudir cette oeuvre d'une rare beauté, qui malgré sa courte durée (90 minutes), permet d'essayer de saisir la vie qu'est devenue celle de ce couple, sans pour autant avoir la prétention de nous faire ressentir leur peine, ce qui est impossible, et impensable. Ceux en revanche qui sont à la recherche d'un mélo destiné à faire pleurer au cours d'un dimanche après-midi pluvieux devront se rabattre sur autre chose, même si le film se révèle particulièrement émouvant.
Mention spéciale pour Nicole Kidman, qui prouve une nouvelle fois qu'elle sait ce que ça veut dire « interpréter un rôle », que ça dans celui-ci, profond, ou dans de le plus barré qu'il soit, comme récemment dans Le Mytho.
SlashersHouse
7
Écrit par

Créée

le 2 avr. 2011

Critique lue 767 fois

6 j'aime

1 commentaire

SlashersHouse

Écrit par

Critique lue 767 fois

6
1

D'autres avis sur Rabbit Hole

Rabbit Hole
EvyNadler
6

Ne pas suivre le lapin noir

Le film raconte l'histoire d'un couple qui tente de se remettre du deuil de leur enfant huit mois après la tragédie. A leur manière, assez solitaire, ils vont tenter de trouver la paix et aller de...

le 26 août 2014

9 j'aime

4

Rabbit Hole
Marvelll
7

Un drame intimiste émouvant et dénué de pathos

Sur un sujet très dur, John Cameron Mitchell nous livre un film étonnamment exempt de tout patho. Pourquoi « étonnamment » ? Car souvent dans ce genre de film, on en profite pour rajouter de...

le 30 mars 2011

9 j'aime

Rabbit Hole
SlashersHouse
7

Le pardon est salvateur.

16 nominations, dont une aux Oscars pour Nicole Kidman pour celui de la meilleure actrice, un sacré palmarès, même si finalement aucun prix n'aura été remporté, mais qui néanmoins poussait notre...

le 2 avr. 2011

6 j'aime

1

Du même critique

God Bless America
SlashersHouse
9

This is the best day ever !

Qui aurait pu dire que Bobcat Goldthwait, auteur de World's Greatest Dead, laisserait tomber la critique fine pour la pochade délurée et immorale ? Un coup de sang après avoir zappé, tout comme son...

le 9 avr. 2012

97 j'aime

16

Tucker & Dale fightent le mal
SlashersHouse
8

White Trash Beautiful.

Véritable coup de grisou sur la toile, Tucker et Dale ont fait parler d'eux plus que n'importe quel direct-to-dvd, et ont largement accumulé les récompenses lors de différents festivals (AMPIA,...

le 8 juin 2011

86 j'aime

15

Ted
SlashersHouse
3

Ted l'ours lourdingue.

Seth MacFarlane, père de la séries Les Griffin, nous livre ici son premier long-métrage qu’il réalise, écrit et produit. Les Griffin connait autant de fans que de détracteurs, la raison étant souvent...

le 30 août 2012

49 j'aime

8