[LEGERS SPOILS]

A ma gauche, originaire de Martin Scorsese, proposant l’une des plus belles scènes d’introduction qu’il m’ait été donné de voir dans un film. Un noir et blanc somptueux, un De Niro impérial qui nous gratifie d’un ballet majestueux, aérien, au ralenti. Une musique de circonstance, magistrale donc. Une scène culte, d’entrée de jeu. Suivi d’autres scènes, dont certaines tout aussi percutantes. Une vie pleine de tumultes défilant sous nos yeux. J’ai nommé : Raaaaaging Bull !

A ma droite, originaire du Bronx, accusant un poids de 74Kg pour 1.73M, champion du Monde des poids moyens 1949-1951, imbu de lui-même, jaloux, paranoïaque, s’entraînant sur sa femme ou son frère plutôt qu’avec un sac de frappe. Le seul boxeur à avoir mis KO son grand rival, Sugar Ray Robinson. Un boxeur, qui si biopic français il y avait, serait sans doute incarné par Fred Testot. J’ai nommé : Supeeeeer Connard ! Enfin, j’veux dire : Jaaaaake LaMotta !

Voilà donc tout le dilemme.

D’un côté, une réalisation inspirée, un Scorsese parfois touché par la grâce (l’introduction biensûr, mais aussi l’alternance de plans vie de tous les jours/combats, cette séquence magique lors du dernier affrontement contre Sugar Ray…). Un De Niro impressionnant, alternant un physique affûté puis bedonnant. Un être hors-norme. Un génie dans son art, mais un personnage ambivalent, détestable autant qu’il sait être attachant. Bob a le physique et l’attitude de Jake. Mieux : il EST Jake. Le mimétisme est parfait. Des répliques coup de poing:  le fameux "You f*** my wife ?", ou encore le puissant "You never got me down Ray". J’en frissonne encore.

D’un autre côté, une personnalité au tempérament de feu, souvent insupportable, voire méprisable. Comment avoir une once de sympathie pour un tel énergumène, accro à tous les vices, à la bonne bouffe ? LaMotta a certes connu de nombreux moments de gloire. A peu près autant que son entourage a connu de peines, en fait. Car c’est bien tous ceux qui l’aimaient qu’il a entraînés avec lui dans sa décadence. On ne peut nier son talent, il est l’un des meilleurs représentants du noble art. Mais cela peut-il tout excuser ?

Alors on s’accroche à l’impact qu’il aura sur son entourage. Sa femme (la charmante Cathy Moriarty), son frère (excellent Joe Pesci), mais aussi ses liens avec la Mafia locale, qui lui permettront de se retrouver face à Cerdan. On suit aussi chaque rencontre avec son éternel rival, Robinson. Du propre aveu du "Bronx Bull", il a combattu Sugar tellement souvent, que c’est un miracle qu’il n’ait pas de diabète ! Enfin, "Raging Bull", c’est le bonheur de retrouver des combats mythiques, superbement reproduits, des plans emplis de lyrisme et de violence.

L’avantage avec un personnage si entier, c’est qu’au moins, le récit est vivant, exempt de toute fadeur. Et sur ce point, Marty rend une copie limpide. Mais d’après le spectacle auquel je viens d’assister, et d’après ce que je connais de la vie du boxeur, je n’aime pas Jake LaMotta. Sacré boxeur, mais très "cheap" humainement. "LaMotta petit prix" en quelque sorte, pour reprendre le célèbre slogan d’une enseigne de vêtements. Je suis donc bien embêté au moment de noter ce "Raging Bull". Au dernier round, victoire de Scorsese et De Niro, aux points finalement, et non par KO Technique comme je l’attendais.
Gothic
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le 21 déc. 2013

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