Rain Man s'inscrit dans la lignée des road trips américains. Il est donc un exemple incontournable du classicisme hollywoodien. Mais classique ne veut pas dire raté, ce film est une réussite, un temps fort dans la filmographie de Barry Levinson, un grand metteur en scène. Rain Man raconte l'histoire de Charlie Babbitt (Tom Cruise), commercial, qui découvre qu'il a un frère, Raymond (Dustin Hoffman) atteint d'un cas particulier d'autisme, Charlie enlève Raymond pour apprendre des secrets familiaux qui lui permettront d'évoluer et accepter la perte de l'héritage allant à son frère, n'ayant aucuns concepts d'argent.

Le film démarre avec un bon contraste entre un personnage secondaire et le protagoniste, Charlie Babbitt, qui est montré comme ambitieux, vulgaire et mal poli.Par cela, est déjà mis en place une critique du système capitaliste, leitmotiv qui est exprimé ici par les coulisses d'une vente.

Arrive la mise en place d'une relation très vraisemblable entre Charlie et son père, avant de voir la rencontre entre Charlie et son frère Raymond. Durant tout le film, Tom Cruise et Dustin Hoffman, sont très juste, à la manière Hollywoodienne il joue de leurs corps et de leurs expressions pour transmettre. Certaines personnes pourraient mettre un bémol pour la performance de Dustin Hoffman, la voyant possiblement répétitive ce qui crée de la frustration, mais je trouve que justement, une personne atteint d'autisme répète sans arrêt des gestes ou des phrases pour crée une dimension de confort qui frustre l'interlocuteur essayant d'entrer en contact avec le dit, autiste. Aussi, je trouve l'interprétation du personnage de Raymond très juste. Personnellement, je trouve que le défaut du film réside dans les dialogues qui sont trop informatifs (surtout au début du film : "La même année que la mort de ma mère") ou parfois trop littéraires et ne se lient pas à l'action ne faisant que couper le rythme. Au contraire, l'identification à Charlie, assez dérangeante est très bien utilisée : nous nous attachons à lui mais il nous déçois plus d'une fois par des manipulations (séquence à Las Vegas), seule la fin traite d'une réelle évolution du personnage, sinon il est, tout au long du film, dans un entre deux, entre créer des liens avec son frère et utiliser ses capacités à ses propres fins. Le manque d'objectif du personnage de Raymond nous permet d'en apprendre beaucoup plus sur Charlie et par cela, le spectateur ne tombe pas dans un catalogue d'informations qu'il ne peux pas classer arrivant trop vite. Raymond nous apprend qui est Charlie profondément, alors que Raymond divague influencé par son jeune frère. Un concept plutôt mâture. Néanmoins, cet effet est grandement atténué par le fait que le spectateur s'attache fortement à Raymond, sans défense, alors que ce n'est pas le protagoniste, de ce fait nous avons tendance à s'opposer à Charlie, et donc, le spectateur lâche prise quand la caméra suit Charlie alors qu'il a envie de voir Raymond.

Le point fort primordial du film reste la mise en scène de Barry Levinson, qui exprime sa maîtrise. Premièrement la distanciation créée par la mise en scène est remarquable, elle souligne d'un côté l'univers dans lequel Raymond évolue où personne ne peut pénétrer à part lui (cet effet passe par des gros plans qui enferment Raymond dans son état mental mais aussi par des Surcadrages, un isolement et un enfermement dans le cadrage et par des scènes où Raymond ne peut sortir : Pluie, Cage téléphonique) et l'on retrouve le même effet pour Charlie, mais cette fois-ci symbolisant la résistance psychologique de Charlie d'accepter qu'un frère déficient hérite de son père et de son refus d'admettre une autre réalité que celle qu'il connait, l'argent, le pouvoir, le capitalisme (qui passe par des plans très larges, une utilisation de l'avant et l'arrière-plan très ingénieuse et des surcadrages dans quelques scènes comme dans la cuisine de la famille Nielsen). On note que le décor renforce grandement l'univers et les émotions des personnages. Levinson utilise le plan-séquence (premiers temps au motel), un montage nerveux, des ellipses justifiées, une direction d'acteurs formidable, pour faire une démonstration de son talent de cinéaste, traitant alors de la symbolique de l'ordre et du naturel (Raymond) face au capitalisme et à l'artifice (Charlie).

Rain Man est un film sur l'enfermement où les personnages principaux représentent deux formes d"enfermement qui s'opposent : l'enfermement dans les stigmates du capitalisme et du vice (Charlie) et l'enfermement dans un monde indépendant de la réalité (Raymond). Les deux restent nocifs, Raymond et Charlie devant trouver un moyen de s'adapter en atténuant leurs conditions, chose qu'ils peuvent seulement faire en restant ensemble, ce que Charlie ne veut pas accepter au préalable. De ce fait, Charlie et Raymond, à travers le film évoluent et perdent des choses, grâce et à cause de l'un et l'autre. Le grand conflit final rassemble tous les thèmes du film, confirmant l'évolution du personnage de Charlie. Le film repose alors sur la relation entre ces deux frères, qui est très complexe mais bien menée dans sa forme et sa symbolique par Levinson mais pas assez dans son côté narratif, ne s'octroyant aucune envolée, restant sur quelque chose de réussi.
Victor_Galmard
7
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le 8 févr. 2015

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Victor Galmard

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