Rambo
7.1
Rambo

Film de Ted Kotcheff (1982)

Alimenté par une espèce de légende urbaine, je croyais naïvement que Rambo était un film d'action bourrin et sans fond derrière. J'avais tort.


Car Rambo, c'est surtout un regard extrêmement critique sur l'Amérique post-guerre du Vietnam, une Amérique d'une totale hypocrisie qui après sa défaite cuisante ne veut plus en entendre parler. C'est l'histoire d'un homme qui a tout perdu : ses amis, son humanité, et maintenant son pays. Qu'on laisse tranquille les petites bourgades, on ne veut pas de ces hommes tristes et violents qui vont foutre la merde à coup sûr ! Tiens tiens, bizarrement certains partis d'aujourd'hui tiennent le même discours envers certaines populations, comme c'est étrange... Bref, Rambo est un film parfaitement ancré dans son époque, où les hommes comme Rambo n'ont plus leur place.


Et chaque choix dans le film est cohérent avec cette idée. D'abord, le choix même de Sylvester Stallone, déjà connu pour Rocky à l'époque, mais dont le jeu ici est d'un primaire parfait. Rambo grogne au lieu de parler, ce n'est plus un homme mais un animal, qui ne sait plus que chasser. D'ailleurs, la façon dont il se déplace dans la ville et dont il gère l'espace et les objets qui l'entourent est la même que dans la forêt, la ville est devenu un terrain de jeu comme un autre pour lui.


Et quand il parle, notamment à la fin du film, c'est avec une telle candeur qu'on dirait presque un enfant, voire un homme un peu arriéré. Mais loin d'être un défaut, cela rend son monologue face au shérif extrêmement émouvant grâce à une empathie à son apogée. Finalement, Rambo parle aussi peut-être de la détresse des populations pauvres, qui n'arrivent pas à trouver du travail et qui n'ont pas d'autre choix que de partir en guerre. "They drew first blood". La fin est d'ailleurs très pessimiste sur cet état de fait, puisqu'il ne reste que deux choix : aller jusqu'au bout et perdre, ou abandonner. On passera malgré tout sur la toute fin, au choix musical douteux et à l'arrêt sur image un peu de mauvais goût, même si là aussi dans son aspect kitsch le film garde une certaine beauté.


Et puis il y a tout l'aspect action et survival bien sûr, qui procède d'un inversement proie/chasseur et protagoniste/antagonistes dans la mise en scène, qu'il serait d'ailleurs intéressant de comparer avec Predator de McTiernan sorti cinq ans plus tard. On remarque d'ailleurs je crois bien l'exact emploi de la même phrase, qui donne en gros "nous ne le chassons pas, c'est lui qui nous chasse". Ici donc, le chasseur est donc Rambo, cet être insaisissable et invincible qui attaque les policiers un par un. Pendant la chasse en forêt, la caméra épouse le point de vue des policiers, se concentrant rarement sur Rambo. Du coup, le spectateur en vient à craindre Rambo alors qu'il est le personnage principal. Il devient un ennemi pour nous aussi.


Et puis, soyons honnête, le film est généreux en combats et fusillades, en commençant par la fuite du commissariat (dont les évocations du passé au Vietnam représentent un reste intéressant du psychédélisme des années 70) et se terminant par le duel dantesque entre Rambo et le shérif. L'action n'est pas omniprésente mais bien distillée, le film alternant entre plusieurs chasses à l'homme et des temps de pauses psychologiques, même si le personnage du commandant (enfin le mec qui cabotine à mort quoi) n'est là que par pure utilité explicative.


Je pense qu'il faut tout de même ne pas être allergique aux films d'actions pour apprécier Rambo. Mais il est indéniable que le film de Ted Kotcheff (dont il faut absolument que je vois son Wake in Fright)) est un des films majeurs des années 80, aussi bien pour son influence sur les survivals que son portrait d'une Amérique individualiste et haineuse.

Antofisherb
8
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le 25 juil. 2015

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Antofisherb

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