Rambo - First Blood Part II (George P. Cosmatos, U.S.A, 1985)

Avant de rentrer dans le vif du sujet, avec ce chef d’œuvre des années Reagan, qui 35 ans après sa sortie demeure inégalé, il faut revenir vite fait sur un élément, point central du scénario. Soit cette légende tenace comme quoi après la fin de la Guerre du Vietnam des prisonniers américains seraient restés enfermés dans des camps, au beau milieu de la jungle. En 1984 déjà, ‘’Missing in Action’’ avec Chuck Norris exploitait cette légende pour en faire le sujet principal de son récit. Mais bien entendu, 10 ans après la fin de la guerre, en vrai il n’y avait plus d’Américains prisonniers de camps encore en activités, au beau milieu de la jungle.


De ce fantasme d’Américain moyen de base, est engendré ‘’Rambo – First Blood Part II’’ de George P. Cosmatos, un réalisateur italien assez médiocre, sur un scénario de Sylvester Stallone ET James Cameron, alors cinéaste débutant. En 1985 il est l’auteur d’un film dont il renie la paternité, ‘’Piranhas II’’ en 1981, et d’un chef d’œuvre Fantastique/S-F qu’est ‘’Terminator’’ en 1984. C’est pas encore un type qui pèse à Hollywood, mais il commence à se faire un nom.


Pour faire court, ‘’Rambo II’’ c’est une œuvre qui barbote au milieu du Reaganisme le plus décomplexé. Un film qui se branle complétement de la réalité historique, au point d’en devenir un objet jouissif complétement hallucinant, véritable défouloir bigger than life en forme de gros doigt d’honneur au Vietnam, à la Russie, à la diplomatie, et au bon sens commun dans son ensemble.
Le postulat de départ est le suivant : John Rambo sort de prison et réintègre secrètement l’armée. Chut faut pas dire, la mission est secrète. Il est envoyé à nouveau au Vietnam pour aller chercher la preuve qu’il reste des prisonniers américains à sauver. Il doit pour cela se contenter de prendre des photos. Rien de plus. Résultat il se farci la moitié de l’armée Vietnamienne ET Russe. Tout seul. C’est plus drôle. Ha et au passage il sauve des prisonniers américains aussi.


En plus des Vietnamiens et des Russes, il y a un autre ennemi : le gouvernement américain. Représenté à travers la CIA, incarnée par un bureaucrate en chemise courte, avec une cravate. Faute de goût impardonnable que Rambo ne manquera pas de punir, lors d’un final jubilatoire à l’extrême. Ainsi que par l’emploi de mercenaires sans foi ni loi, tout aussi pourris.


Une fois de plus Rambo se retrouve lâché par son pays, trahis par un bureaucrate peu scrupuleux, plus préoccuper à couvrir ses arrières, et des mercenaires pour qui libérer des Américains du joug communiste, n’est pas la priorité. C’est à nouveau une image négative de l’institution qui est proposée, comme dans le premier volet, au travers de l’incompétence de la police et de la garde nationale. La représentation négative de la CIA véhicule dans cette suite un message anti-fédérale d’autant plus clair.


La présence de James Cameron au scénario est assez peu étonnante, puisque tout au long de son œuvre il ne fera que décrire une Amérique en perdition, où l’institution à faillit. Aguichée par le profit dans ‘’AlienS’’ et ‘’Avatar’’, abandonnant ses citoyens face à une apocalypse née d’une manipulation inconsciente de nouvelles technologies, dans ses deux ‘’Terminator’’, ou bien inconsciente et inefficace face à la pollution de la planète et sa destruction, dans ‘’Abyss’’.


Par rapport à sa première aventure, le personnage de Rambo est un peu plus épuré, afin de retrouver le tueur du Vietnam. Ce type qui canarde, pilote des hélicos, tue des méchants et sauve les gentils. En forme d’énorme trip conservateur, chaque action du personnage rappellent que la bureaucratie ne contrôle rien. Une fois sur le terrain c’est l’homme en première ligne qui gère avec ce qu’il a en face. Les ordres, opposées à ses convictions, deviennent illusoires, au point qu’il les brave. Rambo vient en quelque sorte gagner une guerre pourtant perdu 10 ans auparavant, et lui seul sait comment s’y prendre.


C’est là où ‘’Rambo II’’ c’est absolument génial : il n’a aucune gêne, aucunes limites, aucunes barrières, il est décomplexé au niveau absolu de la décomplexion, et assumé avec un premier degré qui t’emmerde. Même l’arrivé improbable des Russes devient logique tellement c’est une œuvre incontestable de la Guerre Froide, qui n’existe que par le contexte international de 1985. Alors que les U.S.A sont sur le point de remporter le conflit face à une U.R.S.S en déclin.


Si dans le premier film Rambo ne tuait personne, ici il en bute au moins 64. Seul, avec son arc et ses flèches il se farcit un village, avant de se faire un camps militaire hélicoptère en main. Proprement hallucinant, ce deuxième volet est d’une radicalité incroyable. D’une forme d’innocence ou de naïveté, qui justifie qu’un homme seul en vient à remporter la guerre. L’une de ses phrases au début du film va dans ce sens: ‘’Est-ce qu’on va nous laisser gagner cette fois ?’’.


Car oui, ‘’Rambo II’’ est encore plus anti-gouvernemental que son aîné. À l’instar du monologue final (hilarant en VF, et hilarant en VO) où Rambo en veut à son pays de ne pas l’aimer autant que lui l’aime. Pour lui la défaite vietnamienne est un traumatisme, un échec quasi-personnel, tellement il incarne le pays de l’Oncle Sam, de la première à la dernière séquence. Avec sa musculature et son jusqu’au-boutisme intarissable.


Rambo est en quête d’une paix intérieure, et mettre fin à cette guerre qui le ronge a une action cathartique. Car tout le récit le ramène inlassablement à répéter ce comportement meurtrier qui fait de lui un marginal dans son propre pays. Mais comme sa fonction primaire est d’être une machine de guerre, et qu’il semble incapable d’avoir d’autres activités, son processus de réhabilitation passe par un exorcisme, à coup flingues, d’arc, et d’hélicoptère. Et c’est là, dans cette jungle qu’il fait ce qu’il sait faire le mieux : Trucider du communiste. Hell yeah !


Certainement le film le plus américain des années 1980, avec ‘’Rocky IV’’ en 1984, ‘’Rambo II’’ signe l’apogée de l’art de Sylvester Stallone avant son come-back au milieu des années 2000. Jamais par la suite il ne livrera d’œuvres aussi extrêmes dans leur traitement du patriotisme. Même s’il est ainsi possible de voir ‘’Cobra’’, également réalisé par George P. Cosmatos l’année suivante, comme une variation urbaine de ‘’Rambo II’’. Sans la dimension interventionniste.


Car le message dominant de ‘’Rambo II’’ reste la nécessité d’apporter la démocratie, la liberté, la vérité et la justice à des peuplades opprimées par un pouvoir militaire fort (des Communistes en vrai). Bien entendu à grand coup de flingues, de flèches explosives, et de roquettes. Et ça va même encore plus loin, puisque la principale motivation de ce retour au Vietnam est de sauver des Américains. La ferveur altruiste d’une Amérique salvatrice ne vient se placer qu’au second plan. Ce qui sera l’exacte opposé dans ‘’Rambo III’’…


‘’Rambo II’’ est une œuvre qui vieillit particulièrement bien, et ne fait absolument pas datée. Sans doute du fait que le film n’illustre pas seulement l’époque à laquelle il fût tourné, mais tout un pan de l’histoire américaine depuis 1965. Ce n’est pas juste un banal film d’action, car on peut parler sans crainte de film de guerre, clairement. Ce qui nous montre George P. Cosmatos n’est rien de plus qu’une vision idéalisée de la Guerre du Vietnam, où les petits Américains sortent victorieux, là où l’institution, responsable du massacre de toute une jeunesse, est punie par un Rambo vénère, qui apprécie peu qu’on la lui fasse à l’envers.


Lu comme un film de guerre légitime, sa dimension devient tout autre, car en plus de faire l’apologie d’une armée américaine qui ne laisse personne derrière, combattant furieusement l’obscurantisme à grand coup de flingues dans la gueule, il offre une réflexion sur les tenants et aboutissants de la Guerre Froide. La présence de l’armée Russe est en cela improbable, puisque durant la Guerre du Vietnam seuls des conseillers étaient présents. Ici c’est carrément tout un régiment venu manipuler le Vietcong. Au plus grand plaisir de Rambo, qui a dès lors bien plus de Cocos à dégommer.


Il est important de ne pas regarder ‘’Rambo II’’ comme un banal actionner, qui paraitrait assez bof, et complétement con. L’accepter comme film de guerre avec un contenu, débarrassé de la complexité du premier volet, en fait une œuvre plutôt simple à expliquer et à comprendre. Le scénario de Stallone et Cameron est en ce sens une revisitation de ‘’First Blood’’, où policiers et militaires américains incompétent sont subtilisés par de méchants militaires Vietnamiens et Russes. Basique.
La méfiance gouvernementale ne paraît plus dans ses organes de représentants de l’ordre, mais dans ces agences secrètes douteuses, qui jouent avec des vies américaines, ici des soldats emprisonnés depuis 10 ans dans la jungle. Ces agences qui 10 ans plus tard formeront l’arc narratif secondaire de la série ‘’X-Files’’, donnant ainsi naissance au complotisme moderne, tel qu’on le connaît aujourd’hui. Basé sur du vent. Simple.


‘’Rambo : First Blood part II’’ est donc une œuvre essentielle, un témoignage riche d’une époque aux enjeux bien différents de celle que l’on vit actuellement. Un moyen jouissif de prendre le pouls de la Guerre Froide dans ses derniers instants. Il est possible de mettre cette réalisation en parallèle avec l’évolution de l’autre personnage phare de Stallone : Rocky. Au même moment il est aussi fait porte étendard d’une Amérique victorieuse, un rouleau compresseur capitaliste rasant tout ce qui ne correspond pas à ses valeurs et tradition.


Rocky et Rambo se répondent ainsi en proposant des thématiques différentes, mais complémentaires. Rocky étant l’incarnation positive du rêve américain, lorsque Rambo en est lui la victime silencieuse et invisible. Ce raté de l’American Dream dont la populace refuse de voir l’existence, favorisant l’ignorance polie. Pourtant, loin des yeux du monde, il continue de servir sa patrie, au point d’en payer le prix de son déni.


Bref, ‘’Rambo II’’ c’est un putain de chef d’œuvre avec des putains de grosses couilles, qui se défoule complétement dans un marasme patriotique des plus dégoulinants. Une expression quasi-indécente du patriotisme made in U.S.A, dont la candeur offre une lecture jouissive et transcendante d’un mythe américain.


God Bless America, damn it !


-Stork._

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le 10 févr. 2020

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