Un autre sommet de Kurosawa. Même davantage. Tout est transcendé, décrit avec une incroyable (effroyable même) vérité : la haine, la violence, la cupidité, la vengeance... et en prolongement, la mort. Le tout dans un tourbillon de couleurs intégré à un mise en scène réglée comme du papier à musique. Kurosawa avait approché de très près cette perfection dans 'Kagemusha' (1980), mais cette fois, il n'allait pas abandonner sur un argument basé sur le "Roi Lear" de Shakespeare.


Fait nouveau : certaines scènes de combat ne comportent comme unique son que la superbe bande originale signée Toru Takemitsu. Les mousquets, les corps piétinés, les guerriers terrassés un à un, les rares survivants à l'armure maculée de sang font place à une musique d'une profondeur saisissante, entre Gustav Mahler et Dmitri Chostakovitch. Et finalement, l'horreur du moment nous saisit davantage à la gorge ainsi traitée, laissant en nous une trace indélébile.


Les acteurs sont tout simplement habités par leur personnage. Quatre s'en démarquent : le bouffon Kyoami (Shinnosuke Ikehata), navrant mais attachant ; le flûtiste aveugle Tsurumaru (Nomura Mansai), bouleversant. Tatsuya Nakadai, acteur favori de Kurosawa, campe un Hidetora Ichimonji tout aussi émouvant, désormais témoin impuissant de la déchirure de son clan. Mais la prestation la plus saisissante vient de Mieko Harada, incarnant une Dame Kaede incroyablement démoniaque, prête à tout pour arriver à ses fins, sous des airs impassibles mais dissimulant une haine devenue féroce avec le temps.


Bref, grâce à l'équilibre délicat maintenu entre les couleurs, les changements d'atmosphère, une photographie d'une rare perfection, et une tension toujours dans l'expectative, ce film est un véritable monument.


Certaines scènes peuvent choquer, il vaut mieux être prévenus. D'autres ne font que suggérer l'horreur sans vraiment la montrer, exploitées avec brio. Dieu merci, ce ne sont pas des scènes de violence gratuite (comme on peut voir dans de nombreux films actuellement qui en font presque leur fonds de commerce, je ne citerai rien en particulier...), mais leur réalisme peut avoir un très fort impact.

KenUbukata
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le 1 mars 2016

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Ciné Vore

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