Ma critique est publiée en joli sur ce lien: https://on-media.fr/2020/09/19/random-acts-of-violence-le-slasher-reinvente/


Le nouveau film de Jay Baruchel présenté à l’Étrange Festival 2020 remet au goût du jour le genre horrifique des tueurs en série, initié par le mythique Massacre à la tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974). En proposant une modernisation astucieuse du genre par son scénario, Random Acts of violence est un film à la symbolique profonde, déchu par un final allant à l’encontre de tout ce qui avait été construit jusqu’alors…


Une modernisation de l’approche du Slasherman


L’une des meilleures promesses de ce film horrifique est sans aucun doute la réappropriation de la figure du tueur en série par un cinéaste désireux de l’implanter dans un monde contemporain, aux thématiques encore peu exploitées par le genre horrifique. Dans Random Acts of violence, le slasherman conserve les codes essentiels du genre (tueur en série masqué, absence de mobile du meurtre et assassinats violents) tout en mettant au centre du récit des éléments modernes, compatibles avec le genre du slasher, telle que la responsabilité de l’auteur d’une œuvre ou encore le rapport malsain entre une star et sa communauté. Le scénario se dévoile peu à peu avec plaisir, en réussissant à construire un mythe nouveau autour du Slasherman du film (le lieu de ses meurtres, les traces psychologiques qu’il a laissées…) tout en maintenant le caractère anonyme et gratuit de la violence de son geste, comme en témoigne le titre du métrage. Cet effet subtil construit efficacement le slasherman dans ce qu’il était de brillant dans les années 70 : un tueur suscitant la peur à cause de sa folie pure et sa violence gratuite.


Le genre du slasher est d’autant plus inséré dans le récit de par l’hommage perpétuel rendu au Massacre à la tronçonneuse de 1974. De la colorimétrie du film oscillant entre le jaune et l’orangé-rouge à la scène du dîner macabre, Jay Baruchel se sert d’un imaginaire collectif implanté pour -justement- planter un décor vraisemblable mais, surtout, l’amener sur des thématiques différentes de celles établies dans les années 1970. Le spectateur plonge avec aisance dans l’imaginaire collectif des tueurs en série rôdant sur les grandes routes américaines, en étant prêt à se confronter aux questions éthiques choisies par le réalisateur : la responsabilité de l’auteur de comics, son rapport à l’autre, à la victime originelle, au tueur en lui-même.


De nouveaux horizons symboliques pour le genre


La mise en place très astucieuse de ce scénario classique de slasher conduit en réalité le spectateur vers des questions éthiques profondes et actuelles, incarnées dans des symboles puissants qui sont synthétisés principalement dans deux scènes.


La première séquence dont la symbolique interroge l’éthique d’un auteur d’œuvre sensible survient lors d’une séance de dédicace. Le créateur du comics sort de la convention en courant lorsqu’un individu (le tueur) le blesse à la main, le long de la ligne de vie. À travers cet acte vu comme un accident par le blessé, le tueur appelle à l’aide, comme s’il cherchait à faire cesser la publication des idées du comics. Le rapport à la main est complexe (et se pose à plusieurs reprises dans le film) : c’est le moyen par lequel un homme matérialise et peut diffuser sa pensée. La question de la diffusion d’une œuvre problématique se pose alors quant à la douleur qu’elle provoque chez les victimes réelles ayant servi d’inspiration à l’ouvrage. Comment concilier liberté d’expression et respect de la mémoire des victimes (et des survivants qui ne souhaitent pas remuer le passé) lorsqu’un tueur en série peut intervenir à tout moment ?


Enfin, une scène d’interview radio entre l’auteur de comics et un présentateur insistant interroge sur l’acte de s’inspirer de meurtres réels pour créer une œuvre fictive. La séquence (dont le découpage se révèle très efficace pour confronter deux points de vue divergents) se déroule dans une pièce close, l’artiste se retrouvant seul face à la vérité des faits. Au fil de questions devenant de plus en plus problématiques (l’auteur de comics confond les mots « personnage de comics » et « victime réelle »), le meurtre réel d’anciennes victime apparaît. Une épaisseur s’ajoute avec logique au genre du slasher classique, sans apparaître opportuniste dans sa façon de traiter le tueur en série.


Le problème d’une fin qui tarde trop à arriver (contient spoilers)


Alors que Random Acts of violence ne dure que 80 minutes, la question de la fin du film d’horreur survient. Moment révélateur faisant chavirer les cœurs, une bonne fin rattrape une histoire basique tout autant qu’elle peut détruire tout ce qui avait été créé si elle s’avère maladroite.


En l’occurrence, le film se conclue avec une facilité scénaristique décevante venant contrebalancer tout le brio de la construction du slasherman. Jusqu’alors, l’antagoniste parvenait à effrayer le spectateur en raison d’un mystère planant autour de sa personne. L’inconnu et la déshumanisation du personnage par l’absence de scènes ayant pour but de s’attacher à lui, comprendre l’origine de sa haine, de ses pulsions décuplaient la peur provoquée par les scènes où ce personnage apparaissait, généralement cadré de manière à dissimuler son visage et son corps. Ce procédé de réalisation s’encrait dans le genre originel du slasher et servait de lien entre l’âge d’or du genre et la nouveauté de ce film. Malheureusement, la conclusion mêlant dîner macabre et souvenirs religieux, tombe dans tous les écueils évités jusqu’alors, avant de devenir totalement caricatural avec la mort du Némésis et le retour à la normale pour le héros survivant. Les trop nombreuses références sont tissées grâce à un dialogue entre le tueur et le héros, le réalisateur tentant en vain d’allier toute la richesse de son film, jusqu’à l’anéantir symboliquement de l’intérieur. L’écho à la scène d’ouverture du film paraît poussif, là ou une conclusion plus simpliste aurait pu ajouter de l’angoisse pour les derniers survivants.


En conclusion, Random Acts of violence est un film tout à fait sympathique, parvenant à mélanger avec justesse références utiles et question éthiques modernes, dans un road-trip ensanglanté de 80 minutes. Le projet tient ses promesses et interroge le spectateur, ce qui est déjà beaucoup plus que nombre de productions horrifiques aseptisées sorties ces dernières années, et pour cela, nous remercions Jay Baruchel malgré ses quelques maladresses d’écriture.

morenoxxx
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le 30 sept. 2020

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