Un récit choral ambitieux mais inégal voire raté, qui manque de liant malgré quelques superbes scène

Après avoir adoré les précédents films de Nabil Ayouch « Much Loved » et « Les Chevaux de Dieu », on aurait aimé qu’il en soit de même pour son nouveau film, « Razzia ». Surtout que ce long-métrage ne manque vraiment pas d’ambition thématique ni formelle. Mais les meilleures intentions ne font pas forcément les meilleurs films, c’est bien connu, et il faut avouer que si « Razzia » n’est pas déplaisant, il est davantage raté que réussi. Ayouch a voulu s’essayer au très risqué genre du film choral. Mais il ne s’est pas limité à cela. Il a voulu également que ce film soit politique et revendicatif, qu’il prenne le pouls de tout un pays qui est le sien, en l’occurrence le Maroc. Son film a donc pris la forme d’une fresque suivant les destinées de cinq personnages sur deux époques. Ambitieux oui, mais peut-être trop et le metteur en scène s’est pris les pieds dans le tapis de son histoire.


Le principal problème de « Razzia », qui est aussi le risque majeur encouru par ce type de film kaléidoscopique, est que les différents segments s’emboîtent mal - voire pas du tout - les uns aux autres. Et qu’en plus de cela, leur intérêt varie de manière assez forte. La partie avec cette belle femme en besoin d’émancipation (qui tient également toute la place sur l’affiche) est clairement la plus puissante à tous niveaux. Celle dans le passé est emprunte de poésie mais apparaît trop déconnectée du reste. Le segment avec l’adolescente laisse un goût de trop peu. Enfin, celui avec le personnage gay est raté quand le dernier avec le restaurateur juif dénote du reste et passionne par intermittences. Mais tous ces personnages, symbolisant autant de minorités en souffrance dans un pays qui ne leur ressemble pas ou plus, n’interagissent pas beaucoup ou pas du tout entre eux. Soit. Mais lorsqu’arrive la fin et le moment de raccrocher les wagons, tout cela est vraiment trop poussif au point qu’on en vienne à se dire que chacune de ses histoires aurait mérité d’avoir son propre film pour pouvoir vraiment exister.


Mais tout n’est pas à jeter dans « Razzia », loin s’en faut. Il y a de nombreux moments de grâce. Ayouch sait filmer et nous délivre des images magnifiques. Sa mise en scène est somptueuse, il n’y a rien à redire, ce qui rend l’expérience encore plus frustrante. Des sublimes plans sur l’Atlas sur lesquels se posent une belle et envoûtante partition musicale jusqu’aux dernières scènes de manifestations et de bagarres dans une villa, les images sont fluides et belles. De la même manière, les gros plans sur les visages de ces acteurs nous font ressentir leur mal-être admirablement. Et niveau sociétal, on comprend parfaitement où veut en venir le cinéaste. Mais malheureusement, le montage et la structure du film ne cadrent pas avec ses velléités et plombent totalement un film qui pourrait même paraître prétentieux de prime abord. Dommage, on reste sur notre faim et sur le squelette de ce qu’aurait du être ce projet dominé par la prestance de la sublime Maryam Touzani.


Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.

JorikVesperhaven
5

Créée

le 20 mars 2018

Critique lue 1.9K fois

8 j'aime

Rémy Fiers

Écrit par

Critique lue 1.9K fois

8

D'autres avis sur Razzia

Razzia
JorikVesperhaven
5

Un récit choral ambitieux mais inégal voire raté, qui manque de liant malgré quelques superbes scène

Après avoir adoré les précédents films de Nabil Ayouch « Much Loved » et « Les Chevaux de Dieu », on aurait aimé qu’il en soit de même pour son nouveau film, « Razzia ». Surtout que ce long-métrage...

le 20 mars 2018

8 j'aime

Razzia
Cinephile-doux
8

Le ciel de Casablanca

Après le très controversé Much Loved, Nabil Ayouch est de retour avec un film aux ambitions folles : Razzia. Une oeuvre chorale au sens le plus fort du terme, avec au moins 5 intrigues distinctes,...

le 12 nov. 2017

6 j'aime

Razzia
LeoB84
9

Razzia - 2018 [CineMed 2017]

Razzia - Rafle: 1. nf. Action de tout emporter, de rafler, ce qui en résulte. 2. nf. Arrestation en masse faite à l'improviste par la police. Une rafle culturelle, une rafle vicieuse, cachée, une...

le 23 oct. 2017

6 j'aime

Du même critique

Les Animaux fantastiques - Les Crimes de Grindelwald
JorikVesperhaven
5

Formellement irréprochable, une suite confuse qui nous perd à force de sous-intrigues inachevées.

Le premier épisode était une franchement bonne surprise qui étendait l’univers du sorcier à lunettes avec intelligence et de manière plutôt jubilatoire. Une espèce de grand huit plein de nouveautés,...

le 15 nov. 2018

93 j'aime

10

TÁR
JorikVesperhaven
4

Tartare d'auteur.

Si ce n’est une Cate Blanchett au-delà de toute critique et encore une fois impressionnante et monstrueuse de talent - en somme parfaite - c’est peu dire que ce film très attendu et prétendant à de...

le 27 oct. 2022

88 j'aime

11

First Man - Le Premier Homme sur la Lune
JorikVesperhaven
4

Chazelle se loupe avec cette évocation froide et ennuyeuse d'où ne surnage aucune émotion.

On se sent toujours un peu bête lorsqu’on fait partie des seuls à ne pas avoir aimé un film jugé à la quasi unanimité excellent voire proche du chef-d’œuvre, et cela par les critiques comme par une...

le 18 oct. 2018

81 j'aime

11