A l'heure où les spectateurs aiment à se complaire dans ce qui a bercé leur enfance et où la nostalgie est devenu un outil facile et efficace pour remporter l'adhésion massive du public. Ready Player One a au premier abord, tout du produit commercial bien putassier. Mais les heures sombres que traverse le divertissement grand public ne doivent pas nous faire oublier que en soit, mélanger des références geeks au sein d'un même univers vaste et cohérent, c'est une idée au combien séduisante qui a prouvé sa valeur par le passé, dans des œuvres telles que Scott Pilgrim ou La Grande Aventure Lego.


D'autant que le dernier Spielberg propose un scénario parfaitement cohérent avec son concept racoleur. En effet, L'Oasis est une sorte d'énorme bac à sable dans lequel les joueurs ont une grande liberté d'action, leur permettant de quitter un quotidien triste et sans avenir au profit d'une réalité alternative qu'ils peuvent nourrir avec leurs propres références. Mais la stabilité de cet Éden est mit en péril lorsque que le créateur du jeu vient à mourir. Notre héros et ses acolytes devront donc se lancer dans une grande épopée pour éviter que leur espace de jeu ne tombent entre les mains de businessmans véreux, cherchant à capitaliser sur une culture qu'ils ne comprennent pas pour en faire un vaste emplacement publicitaire.


Par son aspect méta, le long-métrage apporte ainsi une métaphore de notre époque, critiquant le mercantilisme autour de la pop culture et faisant la part belle à cette dernière en vantant tous ses aspects positifs sur les jeunes générations.
Partant de ce postulat, le film aurait pu être une jolie réussite. Malheureusement, malgré des effets spéciaux ahurissants et des scènes d'action mieux maitrisées que chez la plupart de ses confrères, le blockbuster ne parvient jamais à être aussi jouissif que prévu. Alors oui, si le simple fait de voir poper à l'écran un personnage qui a marqué votre enfance suffit à réveiller chez vous des émotions fortes, il se pourrait que vous preniez votre pied devant Ready Player One. Pour les autres, vous n'y verrez qu'un dégueulis de références balancées ça et là sans aucun traitement qui pourrait leur permettre d'enrichir le film.
Si Scott Pilgrim et Lego Movie fonctionnaient aussi bien c'est parce que ces deux œuvres utilisaient leurs références dans un but précis. Le premier ancrait son récit dans une esthétique de jeux vidéos et de bandes-dessiné, jouant ainsi sur les codes du genre ; tandis que l'autre exploitait des licences populaires pour s'amuser avec leur image en les caricaturant tout en parodiant également les codes narratifs du film d'aventure. Dans les deux cas, on y retrouve la même volonté de jouer avec ses références pour les détourner et ainsi de rendre hommage à leur culture tout en réalisant des films artistiquement créatifs. Un traitement intéressant dont ne bénéficie pas Ready Player One qui n'est en soit qu'un blockbuster bateau avec des funko pop en guise de décors.


La séquence à l'intérieur de Shining résume à elle seule cet échec cuisant. Le réalisateur avait l'occasion de rendre un hommage à son ami Kubrick en reproduisant ce qui fit le sel de son chef d’œuvre. Or, il n'en reprend que les éléments cultes et met en scène son environnement comme un train fantôme de Disneyland que nos héros consomment à toute vitesse. Jamais on ne retrouvera le rythme et l'ambiance envoutante du long-métrage, Spielberg n'utilise ici que l'aura de Shining pour donner du poids à sa séquence, convaincu que la seule évocation de cette œuvre provoquerait chez son spectateur les sensations recherchées. Cela résume assez bien le traitement calamiteux de notre pop culture au sein du film.


De plus, il ne faut pas oublier que les réalisateurs de Scott Pilgrim et de Lego Movie, conscients de leur concept grotesque avaient eu la lucidité de ne pas se prendre au sérieux, contrairement à Spielberg convaincu qu'il peut sérieusement réaliser une aventure épique pleine de suspens avec un univers aussi mèmesque. Peut-être y serait-il parvenu si nous étions pleinement impliqués dans les enjeux du scénario ou le destin des personnages, mais là aussi le bas blesse. Nos protagonistes ne sont que des archétypes sur pattes peu étoffés dont les relations sont très mal développées. Nous n'avons donc aucun attachement pour eux et il est alors difficile de souhaiter avec conviction la préservation de l'Oasis, quand bien même son importance eut été convenablement expliquée dans l'exposition. De toute façon, vu la gueule des antagonistes, le film manque d'une menace tangible.


Mais l'aspect le plus détestable de Ready Player One reste son discours moralisateur sur les dangers des univers vidéoludiques. Car si l'Oasis est présenté de manière positive durant tout le long-métrage, le film tente maladroitement de nuancer son propos lors du dernier acte, lorsque durant sa cinématique finale, le créateur du jeu confie à Wade être passé à côté de sa vie et l'encourage à s'épanouir dans le monde réel plutôt que de se complaire dans ses fantasmes de gamer. Un propos louable mais très mal amené car exprimé littéralement par un personnage sans être corroboré par le reste du film qui semble au contraire penché vers le discours inverse.
Spielberg de par son âge et ses expériences personnelles a sûrement un avis plus critique vis à vis du jeu-vidéo. Une opinion qu'il a voulut incorporer à une histoire qui en était initialement dépourvu. En soit c'est tout à son honneur, mais encore fallait-il développer cette idée tout au long du scénario et ce avec plus de subtilité.


Quoi qu'il en soit, je ne peux pas dire que je suis vraiment déçu car je m'attendais largement à pire. Je regrette que certains aient décidé de le boycotter uniquement pour son concept alors que comme nous l'avons vu, ses intentions sont tout à fait louable. En soit, le projet aurait pu donner lieu à un beau blockbuster générationnel, mais son traitement calamiteux en fait simplement un divertissement chiant, fade et ridicule. Les seuls personnes susceptibles de l'apprécier seront les mêmes qui acclament Le Réveil de La Force. C'est à dire des spectateurs capables de passer outre les défauts pour profiter au mieux du bain de pop culture qui leur ait servit à température ambiante pendant près de 2h. Soit précisément les raisons qui nous ont fait détester Ready Player One avant sa sortie en salle. Mais cela n'a pourtant pas empêché la presse spécialisée de l'apprécier. Certains le qualifiant même de RÉVOLUTION CINÉMATOGRAPHIQUE. Or je m'excuse mais il n'y a absolument rien de révolutionnaire là dedans. D'accord Spielberg parvient à rendre crédible des environnements totalement numériques, mais le processus n'est que la continuation de ce qui fut entamé par James Cameron il y a 9ans. Quand à la mise en scène, oui, certaines scènes d'action détonnent par rapport à la norme, mais cela reste quelques petites parties d'un long bloc de 2h. Factuellement, le long-métrage n'a pas une pâte incroyable et tombe dans tous les poncifs du genre. C'est ce qui explique pour moi la raison de son semi-échec au Box Office et le fait qu'on l'oubliera assez vite une fois la période de hype derrière nous. Preuve en est, il est sorti il y a presque 1mois et déjà plus personne n'en a quelque chose à foutre.

Alfred_Tordu
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le 21 mai 2018

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Alfred Tordu

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