Pour son 31e film, Steven Spielberg voit les choses en grand avec une oeuvre érigée sur la pop culture. Une chose pour le moins commun, surtout dans une époque très tournée sur la nostalgie des années 80 mais à la différence que cette fois-ci c'est ce réalisateur mythique qui s'y colle, lui qui a tout simplement grandement contribué à créer ce qui a fait la pop culture de l'époque. Une manière intéressante pour un cinéaste de réfléchir à se qu'il a crée mais aussi à se le réapproprier pour mieux asseoir l'évolution de son cinéma. Car Ready Player One est un film qui a à la fois un pied ancré dans le passé et un autre dans le futur, tout comme il est filmé en prises de vues réelles mais surtout grandement fait en images de synthèses. Pour beaucoup, il est même l'étendard d'une révolution cinématographique. La dernière en date pour un cinéma d'action, qui plus est se réappropriait aussi le culte du passé, étant Mad Max Fury Road sortie en 2015.


On sent d'ailleurs que le film de George Miller a eu un certain impact sur Spielberg et que celui-ci veut très nettement amener le cinéma d'action/aventure vers de nouveaux horizons et ainsi prendre la suite du chef d'oeuvre de Miller. Et visuellement, Spielberg déploie une frénésie visuelle d'une virtuose telle, surtout sur trois moments clés, qu'il parvient sans peine à vraiment donner un relief nouveau au cinéma de divertissement. Mais ici, au lieu que ce soit des cascades réels comme dans Fury Road, le plus gros de l'action se passe en numérique. Ce qui permet à la caméra de s'affranchir de toute lois de gravité et offrir des mouvements amples, fluides et toujours au centre d'une action chaotique et survitaminée mais qui ne perd que très rarement de sa lisibilité. Le tour de force est souvent impressionnant notamment lors de la course de voiture qui ouvre le film, probablement la meilleure séquence de ce dernier. Spielberg continue ce qu'il avait déjà entrepris avec son Tintin et amène sa mise en scène vers de nouveaux horizons, ce qui se montre stimulant, surtout rajouté avec la recherche des nombreuses références à la pop culture présente à l'écran, mais aussi paradoxalement un peu vain. Car ces références, aussi plaisantes puissent-elles être, surtout quand elles flattent l'égo du spectateur, restent des artifices qui ne fonctionnent que comme des skins de jeu vidéo et auraient très bien pu être remplacées par n'importe quoi. Ce ne sont que des éléments interchangeables. De plus, la frénésie du numérique à beau offrir une action impressionnante, elle reste une imagerie dénuée d'émotions et ce sont souvent les scènes, trop rares, de prises de vues réelles qui apportent ici un peu plus de tension et de tangibilité.


Un paradoxe qui va toucher un peu tout les aspects de ce Ready Player One, qui dans son envie de viser plus loin que ce qu'il n'est, finira aussi par se prendre au piège de ses propres ambitions. Le scénario possède en ça plusieurs niveaux de lecture sur l'héritage, les limites d'un monde aux lignes de la réalité de plus en plus floues mais aussi un autoportrait caché de son cinéaste. Autant d'éléments qui portent beaucoup d'ambitions mais qui noyés dans l'ensemble ne sont jamais vraiment correctement développés donnant surtout l'impression d'une oeuvre de surface. Tout est survolé, même dans les références aux mécaniques de jeu vidéo avec la gestion de l'OASIS (le monde virtuel) ou celles à la pop culture car le film a beau se vouloir pointu en la matière, il cède souvent aux names dropping incessants et explicatifs qui agacera les connaisseurs. Trop spécifique pour convaincre les néophytes mais pas assez pointilleux pour emporter les connaisseurs. Surtout que le tout se noie dans un récit simpliste à la structure répétitive car directement issue de vieux jeux vidéos où les personnages caricaturaux ne tiennent que sur très peu de choses. Même si le film repose sur des artifices d'écritures issus des films des années 80/90 pour pousser l'hommage jusqu'au bout, cela ne sauve pourtant pas le démarche d'un film qui veut poser les bases du futur et donc aurait dû s'évertuer à apporter plus. Le film en devient prévisible, attendu et donc loin de la révolution annoncée car dans le fond, Ready Player One ressemble à tout les autres divertissements. Pire encore, il tombe dans une conclusion vieillotte à la morale caduc qui offre une facilité et une maladresse déconcertante qui ferait presque passé le tout pour has been.


Néanmoins il y a quand même de belles choses ici et là, comme la manière dont Spielberg se sert encore une fois du très touchant Mark Rylance pour parler de lui (seule vraie étincelle d'humanité du film). Ou encore lorsque le cinéaste plonge dans l'hommage de cinéma, notamment lors d'une reconstruction d'un célèbre film d'horreur qui impressionne par sa fidélité visuelle mais aussi par l'atmosphère vraiment prenante qui s'y dégage. Le film est comme ça, traversé de petites fulgurances qui lui donnent une âme même si malgré tout ces aspects restent au final assez léger. Surtout que le casting ne nous aident pas vraiment à croire en leurs personnages. Le héros est un archétype assez vide tel qu'avait pu l'être Luke Skywalker en son temps ou Marty McFly. Des héros fait pour que le spectateur se les approprie. Mais là où un Luke pouvait compter sur le charisme d'un Han Solo pour le relever, et que Marty lui bénéficiait du talent comique et de l'énergie d'un Michael J. Fox, ici le héros n'a pas tout ça. Les protagonistes, malgré une dynamique de groupe qui fonctionne dans le dernier tiers, sont très lisses. Et Tye Sheridan paraît vite effacé dans sa performance sans relief tandis qu'Olivia Cooke ne peut pas faire grand chose avec un personnage assez mal caractérisé. Ici c'est Ben Mendelsohn qui fait forte impression, malgré le côté très caricatural du méchant qu'il incarne, il ne se laisse pas coincer dans les limites de son personnage et s'impose par son charisme et son intensité pour lui donner un peu d'épaisseur. L'acteur en sort grandit et offre une très bonne prestation. On retiendra aussi un Simon Pegg convaincant mais assez peu exploité.


Sans être la révolution tant annoncée, Ready Player One reste un divertissement de qualité. Même si simpliste dans son récit, et un brin répétitif, le film reste totalement efficace grâce à la frénésie visuelle assez virtuose qu'il déploie. Le tout manque d'émotions et d'épaisseur, malgré diverses niveaux de lecture pourtant vite survolés, mais possède une âme qu'il arrive souvent à faire briller lors de séquences fortes. Trois sortent vraiment du lot et impressionnent par leur maîtrise et l'inventivité de la mise en scène. Steven Spielberg se fait plaisir dans cette réappropriation de la pop culture et brille lorsqu'il rend un vibrant hommage au passé. Même si il se montre plus maladroit et gênant lorsqu'il tente de poser les fondations du futur. Loin d'être parfait mais indéniablement plaisant, il est juste dommage que Ready Player One pêche par excès de zèle et succombe de ses propres ambitions surtout que même le casting semble tenir que sur trois acteurs, et que ceux-ci ne sont mêmes pas les principaux. L'ancienne génération continue toujours de battre la nouvelle, et le réel reste plus tangible que le virtuel. Un film où donc rien ne change.

Frédéric_Perrinot
7

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le 3 avr. 2018

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