« Pour Spielberg, construire un film revient à construire une voiture de course, une Lamborghini. Il connaît les pièces dont il a besoin, mais les manipule et les structure de différentes façons pour optimiser la vitesse. J’ai pu observer un maître-artisan au travail, en train de reconstruire quelque chose que j’avais écrit quelques années plus tôt. J’ai beaucoup appris de [lui], en particulier en termes de narration visuelle. »


                                                                                    Ernest Cline, auteur du roman *Player One*

« […] j’ai directement éclairé 40% du film. Mais le choix des focales, les mouvements de caméra, la manière de raconter l’histoire à travers l’image, tout ça vient à 100% de Steven Spielberg. [C’est] un artiste visuel, il raconte l’histoire à travers la caméra. »


                                                                    Janusz Kaminski, directeur photo de Steven Spielberg

« Il me semble qu’ils n’ont pas encore trouvé une drogue capable de me ralentir. »


                                                                                                  Steven Spielberg, génie ès cinéma

Analogiquement vôtre…


Qu’y a-t-il de commun entre E.T. l’extraterrestre, Indiana Jones et le Temple Maudit, Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne et Ready Player One ? Tout d’abord, et c’est là une évidence, le nom de leur célèbre réalisateur, qui une fois traduit de l’allemand en dit déjà long sur son porteur : Steven Spielberg, ou la « montagne du jeu » ! Ensuite, le fait que chacun de ces quatre films est bâti sur ce qu’en histoire de l’art, on désigne sous le terme de remploi : à l’image de ces églises médiévales partiellement construites sur les restes de ruines antiques, ils sont le produit, transcendé en tout autre chose, d’un empilement d’emprunts, de références, restaurations et autres relectures d’archétypes narratifs, genres et concepts de cinéma ou jeux vidéo les précédant. Enfin, s’il fallait trouver un ultime point commun à tous ces films, sans doute serait-ce une simple mais lumineuse idée de mise en scène. Une idée, un motif, que dis-je, un authentique connecteur logique qui, principe clé du cinéma de tonton Spielby, nous renseignerait sur l’incroyable éloquence et la nature profondément ludique de son langage visuel - en soi un véritable défi à la distance critique.


Alors quelle-est-elle, cette idée ? Et bien en fait une forme de raccord que l’on pourrait qualifier d’« analogique ». C’est-à-dire une façon de mettre en rapport, à travers leur montage alterné, les actions de deux sujets/objets, par exemple une ombre et son propriétaire ou un requin et des tonneaux, au point que l’un puisse faire figure d’« analogon » ou double métonymique de l’autre, et inversement. Soit, pour revenir à nos exemples, le lien télépathique reliant E.T. à Elliott dans la fameuse scène ou le premier boit et le second tangue, les cross-cuttings synchronisant les bagarres d’Indy et Demi-Lune ou de Haddock et son ancêtre, et, dans Ready Player One, tant de choses qu’il serait bien fastidieux de toutes les lister. Et pour cause, ce serait mal connaître l’« homme-caméra » de penser qu’il se contenterait d’effleurer un concept au potentiel cinématographique aussi fort que le lien gamer/avatar. Si l’un bouge le petit doigt, l’autre fait un triple salto vrillé. Fort bien, mais encore ? Et si l’on inversait les rôles ? Et si le grand méchant était, dans le monde réel, téléguidé par tout un staff technique expert en culture geek ? Et si l’on mettait en abîme le principe à travers un duel de mechas comme, déjà, le faisait le final du Secret de la Licorne ? Et si ceci ? Et si cela ? etc., etc.


Autant de questions que l’ancien movie brat, éternel enfant surdoué se faisant des films avec tout et n’importe quoi (même le scénario tous azimuts de 1941 !), n’aura à coup sûr pas manqué de se poser. Non pas qu’il faille sous-estimer le roman d’Ernest Cline ici adapté, ou son travail de réécriture effectué avec Zack“Last Action Hero”Penn et sous le très attentif contrôle du cinéaste lui-même. Mais force est de se demander à quoi ressemblerait Ready Player One sans les spécificités de la grammaire spielbergienne. À un sympathique récit d’aventure en forme de quête (relecture du Parsifal de Wagner) telle que les affectionnent les rôlistes ? À un équivalent pour fanboy #popculture*70's-90's* de ce que pourrait représenter un shoot de lait concentré sucré droit dans le foie d’un diabétique ? Ou peut-être encore - et l’on saluerait déjà l’effort - à une nouvelle tentative de convertir certaines des possibilités spécifiques au jeu vidéo à celles du cinéma ? Qui sait ? Enfin toujours est-il qu’il fallait bien le straight storyteller des Aventuriers de l’arche perdue, en sa qualité de chorégraphe du chaos, pour canaliser tous ces courants disparates en un seul et même film aux airs de pipeline ! Et avec en prime ce côté évident, limpide et organique propre à un cinéma où le produit final dépassera toujours la somme de ses parties - même le plus fatal des combo clin d’œil-coup de coude.


Parce que chez Steven Spielberg, c’est un constat sans cesse renouvelé, écriture et mise en scène ne sont que les deux faces d’une même pièce, à l’image de celle, frappée du sceau « liberty », placée le temps d’un plan sur l’œil de son double de fiction…


… pour le plus grand bénéfice de têtes vides…


À la base de Ready Player One, il y a donc ce récit à l’esprit foncièrement libertaire : celui de Wade Watts alias Parzival, jeune et, au départ pas si pur que ça, padawan dont la quête l’amène à marcher sur les traces du pionnier James Halliday. Une aventure des plus prenantes où, au grès des énigmes constituées par la mémoire spectrale de ce Charles Foster Kane 2.0, notre héros est amené à rejouer sur un mode ludique certaines des étapes clés de la vie de SON héros. En d’autres termes, ce n’est là que le premier niveau d’écriture et déjà lit-on entre les lignes un gimmick de jeu vidéo voisin du principe analogique. À savoir le fantôme de ces jeux de course ou l’on s’affronte à son meilleur chrono jusqu’à le dépasser. Bien sûr, l’idée est ici exploitée de façon plus - c’est le cas de le dire - « fantomatique » que dans le Speed Racer des Wachowski. Mais elle n’en est pas moins structurante, puisque derrière son hybridation avec quantité d’autres formes narratives (dont la structure de Citizen Kane, donc), elle constitue la colonne vertébrale du film. Ainsi ce-dernier fait-il feu de tout bois pour raconter son histoire. Une trame certes classique - basiquement, il s’agit d’un récit initiatique et d’émancipation mâtiné de quête du père - mais n’en trouvant pas moins dans les divers modes de storytelling auxquels elle recourt matière à sérieusement densifier sa narration.


Que l’on prenne les défis conférant leurs structures aux trois actes du film. Dans l’OASIS, nouvelle Frontière virtuelle imaginée par Halliday, tous sont mis en scène au sein d’univers d’inspiration (entre autres) vidéo-ludique. Or chacun de ces univers présente un gameplay, un ensemble de caractéristiques architecturales et de règles à respecter ou enfreindre, bien spécifique et contribuant à sa manière au récit. Le premier défi, de la sorte, prend la forme d’une course automobile digne des Fous du volant où architecture et scénario du jeu disent tous deux une seule et même chose : une certaine idée de l’enfermement. Celui, bien sûr, constitué par une boucle de gameplay ne laissant que peu de place à l’initiative : en gros, foncer tout droit en se « contentant » d’éviter les obstacles. Mais encore, à un niveau plus métaphorique, celui d’un monde où chacun, dans sa bulle à l’image de celles du prologue façon Fenêtre sur cour, poursuit une vie déterminée par une pratique devenue fuite aliénante de la réalité. Aussi la solution (premier pas vers l’émancipation) vient-elle au coureur qui, comprenant que les règles ne sont que normes vouées à être dépassées, prend du recul sur sa condition de joueur/aliéné et trouve le moyen de subvertir le système. Conséquence : un passage secret s’ouvre et Parzival, prenant au mot l’expression « faire marche arrière » - avec la DeLorean de Retour vers le futur, ça aide - , trouve le chemin de traverse lui faisant remporter la partie.


Le deuxième acte/défi, lui, prend pour base de son vertigineux empilement de niveaux de storytelling la formation du couple Wade/Samantha. Comment ? D’abord via les scènes du musée (où l’on se fait une toile) et de boîte de nuit, fausse piste prétexte à mettre en scène les effets des premiers émois façon roller coaster (chute, apesanteur, retour sur terre). Ensuite et surtout, en faisant du couple en formation la réplique à concrétiser de celui, à jamais virtuel, formé par Halliday et son amour manquée. Or, cette backstory ayant laissé à l’autiste démiurge un souvenir douloureux, sa mise en énigme prend logiquement place dans un univers horrifique. Un univers, donc, correspondant cette fois à un gameplay de type labyrinthe + chasse à l’artéfact où nos héros se retrouvent à arpenter les arcanes du film-cerveau ultime, Shining. Le but ? Mettre la main sur ledit souvenir d’Halliday - son « rosebud », nous explique-t-on - tandis que, par ailleurs, ses contradictoires tendances à la nostalgie et au refoulement - l’une mortifère, l’autre increvable - trouvent de parfaites incarnations dans les figures du zombie et du plus terrible de tous les boogeymen, j’ai nommé Jack Torrance. Et comme si le burger n’était pas encore assez épais, Steven Spielberg et ses acolytes de profiter de cette séquence à la Millenium Actress pour en rajouter encore une couche. Laquelle consiste, à l’issue d’un parcours type jeu de plateforme où l’on saute de zombie en zombie, à finir d’identifier l’âme sœur de Wade (cf. les codes couleur complémentaires de leur avatars) à celle, perdue, d’Halliday.


Bref, c’est peu dire qu’en matière de cohérence dans le choix des références invoquées, d’ingéniosité dans leur emboîtement et de maestria dans l’art (visuel et multicouche) de leur mise en récit, on atteint là des sommets !


…. trop heureuses de se farcir…


Mais Ready Player One ne s’arrête pas là. Et, à défaut de pouvoir faire interagir film et spectateur dans la salle de cinéma, Steven Spielberg poursuit en faisant de cette propriété propre aux seuls jeux vidéo un énième outil narratif. Ou comment, à l’intérieur de son film, progressivement faire déborder le jeu dans la réalité, et vice versa. De quelle façon ? Plusieurs, en fait. Primo : en transgressant la règle voulant que, jusqu’alors, les scènes « virtuelles » soient filmées en numérique (image lisse + couleurs vives + flares) et les « réelles » sur pellicule 35 mm (image granuleuse + photo terne). Ainsi, à partir de la « séquence Shining », un grain factice fait irruption dans l’OASIS tandis que le numérique y sert, non sans défauts, un simulacre de réalité. Deuxio : en mettant en place tout un jeu d’inversion des rôles et brouillage des réalités. Comme dans cette scène où Samantha, retenue captive dans l’antre de « l’Empereur » Nolan Sorrento, se fait téléguider à distance avant d’être amenée à jouer les infiltrés de la même façon que dans un jeu de type FPS/espionnage. Et tertio : le film de finir de gommer les frontières en passant progressivement d’une narration au singulier, guidée par le seul point de vue de Wade, à un récit choral. Choix qui n’a en l’état rien de spécifique à Ready Player One, il est vrai, mais dont l’aboutissement est le suivant : un savant montage alterné où mosaïque des points de vue, raccords analogiques, actions croisées et accélération du récit produisent la sensation d’un vaste continuum espace-temps, comme dirait Doc Brown.


De quoi organiquement relayer le processus de fusion des identités réelles et virtuelles de nos protagonistes - ce qui commence en fait dès la scène où Sorrento traverse l’hologramme de Parzival en l’appelant Wade... Car, en effet, c’est de la refondation d’une communauté autour de, grosso modo, l’idéal des pères fondateurs d’Internet (et des États-Unis !) dont il est question ici. Et quelle meilleure idée, pour faire réémerger la fibre libertaire de cette somme de nolifes politiquement en sommeil et économiquement enchaînés, que de faire émettre le message à l’origine de leur réveil depuis… une camionnette postale ?! Après tout, ne dit-on pas : « the medium is the message » ? Ou quand le cheminement de l’un (la camionnette fonçant jusqu’au quartier taudis des « Piles » …) devient celui de l’autre (… comme relais de la voix de Wade/Parzival jusqu’aux consciences de ceux qui y vivent). Et, logique de storytelling multicouche oblige, il n’est pas interdit de penser que tonton Spielby aura eu l’idée de cette camionnette que, dans le monde réel, tous les agents de Sorrento traquent, comme une manière d’« analogon » du fameux « pixel invisible » constituant la solution au dernier défi dans l’OASIS. Ainsi le cinéaste « bipolaire » fait-il le lien entre Ready Player One et The Post : en plaçant au cœur de ces deux films si différents la même question de la résistance du peuple et de ses « éclaireurs » aux détenteurs du pouvoir, politique dans l’un, économique dans l’autre.


Parce que, oui, de fait, compte parmi les nombreux niveaux d’écriture/lecture du film la question économique. Laquelle nous est amenée, entre autres éléments, à travers tout un faisceau d’idées visuelles dont cet autre gimmick vidéo-ludique : les points de vie comme pièces de monnaie. L’idée en soi n’est pas neuve, certes, mais là est un des traits du génie spielbergien : rendre toute leur littéralité à certaines abstractions. Ces points, dans le film, sont ainsi à la base d’une véritable économie du jeu. Système qui, de virtuel, devient réel dès lors que perdre la vie dans l’OASIS conduit à véritablement s’endetter. C’est alors qu’intervient une société faisant office de banque faustienne, IOI, dont le sigle rappelant le langage binaire dit tout de la vision du monde à sa base : si le temps c’est de l’argent, alors, chez IOI, on s’accapare l’un à défaut de l’autre. Résultat pour les plus addicts : une nouvelle forme d’esclavage pour dette (les « centres de fidélité ») où être asservi dans l’OASIS signifie, double peine, aveuglement et mise en boîte telle une vulgaire pile Duracell dans le monde réel. Or, qui dit asservissement et accaparement (l’effet de l’Orbe) dit piratage et rébellion, à la Star Wars ! Et avec pour ultime corollaire, à l’issue d’une bataille reprenant l’archétype de la forteresse au trésor gardée par le dragon (symbole de la cupidité), blackout et reboot de tout le système.


Alors évidemment, certains, non sans arguments, retiendront de tout ceci le même « simplisme » et la même « hypocrisie » que ceux déjà reprochés à Avatar. Sauf qu’à l’instar de ce dernier ou de Jurassic Park, Ready Player One n’est pas sans dimension(s) réflexive(s)…


… un film plein comme un œuf cosmique…


Fidèle reflet de son temps de par la façon dont il interroge notre rapport à la liberté dès lors que, sur le net comme ailleurs, consommer c’est pactiser, Ready Player One apparaît aussi comme le miroir déformant d’une industrie arrivée à une nouvelle croisée des chemins après celles constituées par les naissances du blockbuster dans les 70’s et des images de synthèse dans les 90’s. Aujourd’hui, la question posée serait celle-ci : quelle place pour un cinéma à grand spectacle signé de la main d’artisans-auteurs-réalisateurs dans un système de production de plus en plus pré-calculé, profilé et peu soucieux de créativité, si ce n’est en termes de marketing ? Le fait est qu’à l’instar d’IOI, les grands studios hollywoodiens et autres plateformes de SVOD ne sont à l’heure actuelle guère plus que des banques gérant leurs marques, un film en lui-même n’étant pour eux que produit d’appel. Et sauf quelques rares exceptions, les créateurs, tels les Sixers, y sont promus clones serviles. L’horizon d’un tel cinéma ? Peut-être cet écran (fatal) où Sorrento projette de recouvrir 80% du champ visuel de ses futurs clients d’espace publicitaire. Sa manne ? Toutes ces miettes de données que chacun laisse sur le net et dont les algorithmes remontent la piste pour mieux anticiper sur nos attentes. On appelle ça le tracking, et la façon dont fonctionne les drones d’IOI, scannant et enregistrant tout signe de reconnaissance personnel ou collectif, pourrait en être une saisissante image.


De là à dire que le happy ending serait ici aussi forcé que celui, factice, de La Guerre des mondes, il y a toutefois une marge. Évidemment, le côté fabuliste de Steven Spielberg le pousse à embellir notre monde là où il se plante méchamment. Mais cet optimisme n’est pas forcément que fable et convention. Il suffit de voir quel portrait de lui-même - et au-delà quel exemple à suivre ? - le cinéaste dresse à travers la figure de James Halliday. L’homme est à la fois génial, espiègle et socialement handicapé, donc touchant et d’autant plus qu’il est incarné par l’« analogon » Mark Rylance. Mais c’est aussi - en témoigne le gameplay de chacun de ses défis - un contrebandier, un pirate, un forban ! Or c’est là une voie, la contrebande (selon l’expression scorsesienne), autrefois empruntée par nombre de cinéastes de l’âge d’or hollywoodien : celui-là même auquel n’a de cesse de se référer le cinéma spielbergien. Aussi peut-être faut-il voir cette « pièce de la liberté » posée sur l’œil d’Hallyday comme une façon de rappeler qu’être libre, en cinéma comme n’importe où, c’est au moins autant une question de regard que d’argent. Et que pour les heureux détenteurs d’yeux particulièrement futés et joueurs, il y aura toujours moyen de hacker le capitalisme, d’apposer sa griffe sur une commande ou encore d’embrasser les folles possibilités du cinéma virtuel.


Il suffit en effet de voir la façon dont la caméra semble faire l’élastique entre les coureurs dans la scène de course automobile : à croire qu’ils se la refilent comme un relais à chaque fois que l’un double l’autre ! L’impression de vitesse a beau être démentielle et les effets de réel (les zooms brutaux) nombreux, on reconnaît là la façon Spielberg : faire en sorte que (presque) chaque passage du point de vue d’un personnage à celui d’un autre soit médiatisé par le croisement de leur corps dans la profondeur d’un même plan : le premier en sortant par exemple à l’avant-plan tandis que le second y entre par l’arrière. De là viennent le côté hyper-immersif et l’impeccable lisibilité de la scène : de cet art typiquement spielbergien du storytelling visuel. Mais un art comme boosté par, d’une part la disparition de toute contrainte technique en termes de mouvements d’appareils ou de découpage, et d’autre part le fait que, dans ce type de mise en scène virtuelle, le réalisateur fait tout lui-même : cadrer, opérer, changer de focale, tout effacer et recommencer dans la seconde, etc. Or, il a eu l’occasion de l’expliquer en interview, plus il travaille vite, plus il garde sa vision d’ensemble et, avec elle, la capacité à créer de la continuité, à faire que l’histoire contée coule d’elle-même.


En somme, tout ça pour dire qu’il y a dans le cinéma virtuel et la performance capture la possibilité de véritables oasis de créativité. Et ce au sein même du cinéma qui, de par ses coûts de production, est un des plus contraints.


... aux airs de véritable corne d'abondance


Une contrainte dans laquelle, une fois de plus, Steven Spielberg aura donc fait son nid telle une base de lancement orbital. Du vintage pré-marketé avec du vide à la clé ? Oui à la première, éventuellement, mais non à la deuxième, définitivement ! Car si manipuler les tendances nostalgiques de son audience est à la portée du tout Hollywood, bien plus rares sont les cinéastes capables d’en faire éclore une telle boule d’énergie cinégénique. Et même rengaine avec les références et citations pop-culturelles : s’y limiter, s’en contenter, s’en servir comme d’un malin cache misère, c’est tuer son film tout en le condamnant à une existence zombiesque. Rebondir de l’une à l’autre sans jamais s’y arrêter mais en les choisissant soigneusement en fonction de ce que l’on veut raconter, c’est à chaque fois augmenter son élan, et avec lui son recul.


Allons plus loin. C’est là sérieusement limiter la portée de Ready Player One que de le réduire à sa relation au passé. Car combien de films ont à ce point su saisir et transformer en vrai cinéma formellement abouti et populaire cette expérience désormais quasi universelle qu’est internet ? Simplement surfer, faire des achats et se faire espionner, se documenter, jouer, passer d’un site à l’autre comme par magie, s’inventer une autre identité et, avec elle, faire de nouvelles rencontres… : autant de possibilités mises en scène ici. Ajoutez à cela la façon dont Spielby, dans ces plans récurrents de visages surcadrés par des écrans de VR translucides, superpose sans que l’une n’efface l’autre réalités virtuelle et concrète, et l’on se dit que le Monsieur, loin d’être un vieux con, à vraiment tout compris du monde à double fond dans lequel on vit.


Et puis bon, qu’on excuse mon excès d’enthousiasme et ma tendance à la surinterprétation mais, un film qui se paye la tronche de Toshirō Mifune pour me faire l’effet d’un Kamé Hamé Ha plein feux dans les yeux, moi je dis arigatō ! Ou la magie d’un ex-dyslexique sachant toujours donner bien plus qu’elle n’aurait pu le soupçonner à son audience.


Sources/références :


Interviews d’Ernest Cline et Janusz Kaminski par Alexandre Poncet, Mad Movies n°316
Interview de Steven Spielberg par Arnaud Bordas, Capture Mag, avril 2018

Créée

le 8 avr. 2018

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Toshiro

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