Les films de genre sont décidément une chouette catégorie de films. Essentiellement parce qu’on y trouve de tout, (eh oui, même de l'humour qui fait rigoler) et parce qu’à l’image d’une auberge Espagnole on peut y trouver ce que l’on y apporte. Quelque fois, c’est l’entrain d’un bon public, quelque fois le second degré de lecture qu’on avait besoin d’y trouver, ou simplement l’envie de rire d’un bon nanard.
Ce serait franchement réducteur de n’y voir que ça, mais face à des films parfois très exigeants avec leur public ou parfois peu accessibles, à tout le moins, en profond décalage avec leur marché... Ça me fait toujours du bien de le croire.


Et parmi cette dernière catégorie, il y a la petite poignée très réussie qui vous transporte l’air de rien vers une réflexion profonde, sans tambours no trompettes.
Realive est de ceux-là.
Reprenant un des thèmes fards de Philipp K. Dick ou plus particulièrement d’Aldous Huxley dans « Le meilleur des Mondes », Realive vous propose de vous mettre dans la peau d’un homme qui veut accéder à l’immortalité. Une immortalité sous forme d’adieu, d’espoir évanescent face à une maladie incurable ; qu’il a néanmoins les moyens de figer dans le temps.


Rien d’ésotérique là-dedans, il possède simplement la possibilité de se faire cryogéniser en attendant que la science ait fait les progrès nécessaires.


D’emblée, cette possibilité pose la question diablement contemporaine de l’accession aux soins et surtout d’une médecine à deux vitesses ; dans une France où l’on pense encore (mais pour combien de temps) que tout coule de source, et où un ancien Président Américain a eu toute les peines du monde à instaurer un semblant de modèle similaire.
Mais le génie de Realive est d'éviter l'écriture manichéenne et de parvenir à poser avec un regard très doux sur ce qui fait notre force au quotidien : notre capacité d’aimer. Les gens, les choses. C'est sans doute très niais, dit comme ça, mais ça n'en reste pas moins une valeur intrinsèque au quotidien, tout comme un vrai sujet de société. Une société qui se vide doucement de ses valeurs. Mais le film interroge également sur des notions plus subtiles, plus abstraites ; comme la nécessité de donner une valeur à ce dont nous avons besoin sans que cela soit uniquement une valeur pécuniaire.


Car derrière une sublime photographie et un scénario qui frôle la perfection, le film nous met le doigt sur notre inexorable appauvrissement moral et intellectuel. Une Société où absolument tout se consomme sans effort est une société qui se vide de sens, où les individus dépérissent sous une dictature bienveillante.
Et là aussi le sujet est tristement d'actualité.
Apprécions-nous les tonnes de musique dispo 24h / 24 sur des plateformes comme de peer to peer ou en téléchargement légal ? Apprécions-nous toutes ces vidéos téléchargées ou streamées en masse ?
Que ce soit légal ou non n’a plus vraiment d’importance, c’est cette masse morte qui est pointée du doigt. On imagine que tout cela ne fait que flatter notre égo, mais le Réalisateur nous laisse face à nos propres déductions. Il ne dénonce que les grands traits.
Aldous Huxley le montrait d'ailleurs avec Génie dans le meilleur des mondes. Tout était lisse, sans saveur. La reproduction était réalisée pour équilibrer la société, en faisant fi du choix, de l’imprévu, mais surtout de la spontanéité. Le sexe était un passe-temps comme un autre, fonctionnel et sans aucun aspect sentimental, le vidant ainsi de sa substance lorsqu’on aborde fatalement l’aspect des liens entre les gens. Leur force, pour ne pas dire leur violence lorsqu'on constate son absence.
Si quelque chose d’aussi intime devient aussi bon marché, sans parade, sans le sel de la séduction ni comme aboutissement d'une belle relation, alors où en est l’intérêt ?


Realive est plus mesuré sur ce point de vue, car Mateo Gil filme aussi l’attachement sincère liant Marc a Elizabeth, mais il présentera plutôt des groupes d'amis, pour accéder au côté chaleureux d'une relation amicale, et des groupes de sexes, pour le côté grande cavalcade. Derrière cette présentation assez froide, il insistera surtout sur la perte insurmontable de Naomi, qui fait perdre toute envie à Marc de continuer à vivre dans un futur d’une telle vacuité.
C’est ce qui m’a vraiment fait accrocher au film. Le Réalisateur arrive à passer au-dessus des gros poncifs du genre : les médecins tous froids et manipulateurs, l’éternité comme thèse religieuse, la bioéthique c’est pas fun mais trop nécessaire, l’usine à fric et à notoriété de la réussite du premier ressuscité médicalement assisté comme gyrophare fluorescent…


Ce n’était vraiment pas gagné d’avance. Je ne dis pas qu’il ne faut pas traiter ces sujets, mais ce sont de tels lieux communs qu’avec eux on ne reste généralement qu’à la surface, en oubliant qu’un film est avant tout une HISTOIRE. Et que cette histoire, elle peut être belle, elle peut être touchante, mais doit être intéressante dans son déroulé avant d’avoir la prétention de vous faire philosopher.
Donc si je serre toujours les fesses avec ce genre de pitchs… Ici… Ouf, ça marche.


On a donc la satisfaction d’avoir un film qui vous emporte dans une superbe ambiance, entre passages contemplatifs, touchants sans effusion (sans pathos qui baves) et de nombreux degrés de réflexions tous largement intéressants en soi, j'y ai largement trouvé mon compte et c’est ce qui me fait vous recommander chaudement cet excellent film de genre.
Vivement le Blu-Ray.

amjj88
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le 11 févr. 2017

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amjj88

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