Spoiler Alert : la vie, c’est bien quand même.

A posteriori, je prends conscience que j’ai vu ce film sur un malentendu : pour moi, Mateo Gil était le réalisateur de Blackthorn (il l’est par ailleurs toujours), un western âpre et beau, mélancolique et porté par l’incandescent Sam Shepard. C’était en 2011, il n’avait rien réalisé depuis.


Mais à la vision de cette nouvelle livraison qui n’a pas grand-chose à voir, une remontée dans sa carrière permet de d’éclaircir le bonhomme, au scénario d’Ouvre les yeux et de son remake Vanilla Sky, ainsi que de Mar Adentro : cette thématique universelle de l’eros et thanatos exacerbée par la maladie et la science, et le franchissement proposé à l’individu de nouvelles barrières qui redéfiniraient totalement son rapport au monde.


Realive s’inscrit exactement dans cette veine : après cryogénisation, un monde futur permet le retour à la vie d’un homme autrefois condamné par la science et qui peut désormais refaire sa vie. Hôpitaux aseptisés de blancs, écrans translucides, surfaces courbes, gens propres sur eux vaguement inquiétants, tout le cahier des charges est respecté.
Évidemment, il s’agira de montrer que jouer avec les lois de la vie n’est pas sans conséquence, et que c’est son caractère éphémère qui, probablement, conduit l’homme à savourer son existence telle qu’elle se déroule. Pour s’en assurer, l’Histoire a mis à disposition quantité impressionnante de livres, mais on ne va pas non plus reprocher à un cinéaste de vouloir réactualiser le propos.


… Sauf lorsqu’il le fait en nous proposant une pub pour le Nutella. Rien ne nous sera épargné pour vanter les mérites de la vraie vie émotionnelle des vrais gens : la musique pompée sur Max Richter, la photographie laiteuse d’instantanés de vie en mode Malick du pauvre, la voix off profonde qui nous assène des évidences, et cette agaçante pose qui pense parvenir à ne pas l’être.


Puisqu’il faut bien mettre en place une intrigue sur cet amas de poncifs qu’on aurait pu résumer en un titre de Gounelle ou Giordano, les philosophes des salles d’attente, (Et tu trouveras le trésor qui dort en toi ou Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une), on nous assène une romance inepte à base de « dans la vie on était jamais raccords pour s’aimer mais c’était mieux que de le faire après la mort », et un rôle un peu flippant accordé à Charlotte Le Bon, infirmière/ escort qui aurait pu être complexe avant de s’abandonner dans une romance à laquelle elle est là seule à croire. J’ai pensé à I Origins, c’est vous dire la souffrance.


La vie, donc, c’est bien. Une bonne leçon, qui nous incite à nous lever du fauteuil face à l’écran et ouvrir la fenêtre pour juger par nous-même, plutôt que de la voir si pesamment démontré par ce manuel de self-improvement en forme de publicité ringarde.

Sergent_Pepper
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le 6 déc. 2018

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