D’une ouverture magnifique où se croisent les points de vue et les temporalités, portée par la partition de James Newton Howard et la grâce d’une Jennifer Lawrence en danseuse classique, nous attendons – en vain, puisque cela n’arrive jamais – qu’une si belle virtuosité se transmette de scène en scène, jusqu’à atteindre la bouleversante interdiction d’un amour naissant. Il y a, dans Red Sparrow, quelque chose qui sonne faux, un surplus de démonstration qui vient alourdir une intrigue inutilement retorse où les corps se dénudent et les cadavres s’amoncellent sur réglage automatique. La chair n’est pourtant pas triste ici, mais commune. Et l’ambition sulfureuse ne bénéficie pas d’un cinéaste à la hauteur d’un tel dessein : Francis Lawrence se limite aux formes de la sexualité et de la barbarie – toutes deux indissociablement liées dans une Russie de Guerre Froide – sans jamais se risquer à quitter le formalisme pour pénétrer ces corps violentés, ces corps meurtris par des apprentissages déshumanisants.


Et en refusant cela, il conforte le système qu’il entend dénoncer, un système qui se plaît à robotiser ses citoyens. Lorsque nous regardons le film, nous avons l’étrange sensation de glisser à la fois sur les enjeux intrinsèques, mais également sur les lieux et leurs occupants. Nous traversons les scènes, nous sautons d’une chambre à un bureau, d’un âge à un autre, sans vivre ce long et périlleux processus d’aliénation. Manque ce vertige, celui qu’éprouve au quotidien une jeune femme coupée de sa passion et de son foyer ; ce vertige d’errer au milieu de bourreaux, d’espions et de morts, tout en s’efforçant de garder la tête froide. Red Sparrow n’a pas d’ailes et reste cloué au sol.

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le 14 sept. 2019

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