Oyez, oyez, braves gens qui n’avez pas perdu votre âme d’enfant, Rémi sans famille est fait pour vous ! Laissez-vous porter par ce joli conte de Noël, qui ravivera sans nul doute la magie et les sensations de l’enfance dans vos yeux d’adultes !


Cette adaptation de Sans famille, le roman de Hector Malot 140 ans après sa parution, n’est pas la première – on pense notamment aux téléfilms ou aux mangas.


Antoine Blossier, le réalisateur de RÉMI SANS FAMILLE rencontré lors de la présentation du film à Bordeaux, a été touché par “l’espoir et le courage dont fait preuve un enfant pour aller au-delà des drames qu’il traverse, et la façon dont il voit le verre à moitié plein”. Il revendique aussi son envie de “faire un film rassembleur et cocooning tel qu’on peut les voir en cette période avec toute la famille réunie, au même titre que les Disney ou les films de patrimoine français, type Jean de Florette».


Si tant est qu’on se laisse embarquer, Rémi sans famille est un pur régal, pour les yeux et les cœurs. Le film réussit en effet à créer une empathie immédiate envers Rémi âgé (Jacques Perrin) et Rémi enfant (Maleaume Paquin). Faire appel à Jacques Perrin, qui appartient à la mémoire collective, c’est déjà conditionner le spectateur et le ramener dans ce cinéma patrimonial cher au cœur du réalisateur. Une voix chaude et pleine d’espérances qui raconte son enfance à d’autres enfants, sans jamais se plaindre, en tirant une leçon de chaque chose. Une voix enveloppante qui narre comment Rémi le petit orphelin est devenu Rémi Mulligan le grand chanteur.


Car si la vie de Rémi est traversée d’épreuves bouleversantes et d’angoissants et multiples abandons, elle est aussi parsemée de bonnes fées bienveillantes. Abandonné bébé, il est recueilli par Madame Barberin (Ludivine Sagnier). Chassé par le mari de celle-ci (Jonathan Zaccaï), il est loué par Vitalis (Daniel Auteuil), qui découvre en lui un grand talent de chanteur et lui apprend à lire et écrire. Alors que ce dernier est jeté en prison, il est pris d’affection par Madame Harper (Virginie Ledoyen), la mère de son amie Lise, jeune handicapée aristocrate.



Rémi sans famille ne tire pas du côté des larmes de tristesse, mais
bien vers celles de l’espoir et correspond tout à fait à l’idée que
l’on se fait de l’esprit de Noël.



Le réalisateur a volontairement refusé de filmer la réalité de la misère de l’époque ou les décors avec une lumière naturelle, qui n’auraient pas manquer de faire tomber le film dans un sombre naturalisme et de susciter trop de pathos. Et heureusement, car on n’atteint finalement pas l’overdose de sucre et de bons sentiments à laquelle on aurait pu s’attendre. Antoine Blossier ne fait pas pleurer le spectateur à chaudes larmes mais reste subtilement sur le fil de l’émerveillement. L’image est belle, les animaux (un petit capucin et un chien) sont attendrissants et les rebondissements rythmés.


Pourtant, on regrette un peu que le portrait de Rémi dressé par le réalisateur soit aussi lisse. On le trouve un peu trop poli, trop compréhensif, trop reconnaissant de l’amour qu’on lui donne, si intelligent et surtout un peu trop talentueux. On l’aurait aimé un peu plus turbulent et rebelle.


Antoine Blossier est d’ailleurs allé plus loin que dans le roman avec cette vocation, car il voulait que Rémi ait “grâce à son don d’artiste, un accomplissement de lui-même et découvre sa propre identité intérieure“. Il aborde ainsi la thématique de la transmission, montrant que “Vitalis ne transmet pas seulement à Rémi un savoir, mais aussi en filigrane des valeurs que sont le travail, le courage et l’honnêteté”. Et il est vrai que la rencontre entre ces deux êtres en souffrance, qui pensent leurs âmes mutuelles, est bouleversante. Amicale, quasi filiale par procuration mais en tous les cas empreinte d’une grande et belle confiance.


De fait, c’est le personnage de Vitalis qu’on trouve le plus intéressant et que Daniel Auteuil interprète, comme à son habitude, avec brio. Pour Antoine Blossier, c’était “comme une évidence de faire appel à lui, car il peut aller du côté de l’excentricité et saltimbanque avec les animaux sans être ridicule ni anachronique dans un film historique, tout en ayant une profondeur et une espère de mélancolie“. Un homme mystérieux, tout en nuances, dont la propre histoire dramatique, la renaissance et la rédemption à travers Rémi, le rendent particulièrement attachant.


Enfin, Rémi sans famille offre également une grille de lecture sociologique, et interroge subtilement sur le déterminisme social. Les gens riches comme Madame Harper accueille Rémi, mais ne peuvent envisager que Rémi entre dans leur propre caste. Les gens pauvres restent pauvres, tout comme Barberin, que le réalisateur a voulu montrer “brisé, détruit, manipulateur mais qui, malgré sa part d’humanité, n’a d’autre choix à l’époque que d’abandonner Rémi“.


Pourtant, même si le réalisateur “croit plus au mérite et au fait de cultiver son talent qui permette de détruire le déterminisme social“, il n’en demeure pas moins que Rémi n’est pas né pauvre. Et on ne saura donc jamais dans quelle proportion son attitude et son talent sont liés à sa génétique. Joli film sur le passage à l’âge adulte et sur le pouvoir de la musique sur les cœurs, Rémi sans famille ne tire pas du côté des larmes de tristesse mais bien vers celles de l’espoir et en ce sens, correspond tout à fait à l’idée que l’on se fait de l’esprit de Noël.


Sylvie-Noëlle


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le 12 déc. 2018

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