Cas d'école. Tout était en place. Hugh Jackman en service commandé, voix grave et tension dramatique à revendre, Thandiwe Newton (très bien) et Rebecca Ferguson en icône exfiltrée de Mission Impossible gigotent comme ils peuvent devant la caméra novice de Lisa Joy également scénariste de la chose. Ok. Pour celles et ceux qui ne suivent pas, Reminiscence est donc un premier film mais pas celui de n'importe qui. Epouse de Jonathan Nolan (frangin de Christopher) et co-auteur de la série Westworld avec ce dernier, Lisa Joy fut cooptée par la maison mère Warner avec un budget conséquent de près de 70 millions de dollars à la clé. C’est le premier pas qui coûte dit-on. Mais l'envie était là : plonger dans un polar hard boiled sur fond de futur chaotique post-guerre où les eaux ont fini par inonder un Miami très humide. Dans ce monde où l'on vit la nuit, la faute à des journées trop chaudes (sans que cela ne transpire jamais ni à l'écran ni sur les comédiens), tous les archétypes du genre s’égrainent : chanteuse femme fatale, riches dégénérés, flic corrompu, trafiquant de drogue, voix-off incontournable tant l’historiette se voit sur-alambiquée comme tout polar noir qui se respecte. Et dans tout ce bordel, l'aspect technologique permet sans vergogne de sonder la mémoire des clients tranquillement allongés dans un caisson. Voilà qui rappellera quelque chose aux amateurs de Strange Days (Kathryn Bigelow, 1995) et Brainstorm (Douglas Trumbull, 1983) dans un environnement qui emprunte quant à lui à Blade Runner (Ridley Scott, 1982), Dark City (Alex Proyas, 1998), Waterworld (Kevin Reynolds, 1994) ou même Inception (2007), réalisé précisément par le beau-frère de Lisa Joy. Tiens donc.


Pour résumer, l’idée était donc de faire du Lawrence Block et autres Raymond Chandler dans des tableaux d’anticipation qui, hormis une représentation plutôt réussie d'une Miami noyée, ne fait que rabâcher son déjà-vu avec cette fâcheuse tendance à vouloir sur-intellectualiser les choses, ce qui finit de rendre l’objet plus désagréable que véritablement fascinant. Autour de quelques pensées réflexives (ah, la nostalgie) et références littéraires (Orphée) sorties d’un journal intime de fin de lycée, le film joue le contemplatif, balance l’habituelle lutte des classes entre les riches qui vivent en terres asséchées et les autres, sous la menace de barrages et au mieux condamnés à garder les pieds dans l’eau. Pour ne pas complètement endormir le spectateur, le film déboite ici et là quelques scènes d’action mollassonnes. Un peu maigre pour deux heures d’atermoiements. Pourtant, Reminiscence avait beaucoup pour lui. De l’ambition, des moyens. Mais à force de trop vouloir mélanger les genres sans rien traiter, le film reste en surface, surnage, ne décolle jamais. Il multiplie les pistes intéressantes, les personnages intrigants, mais n'en conserve que les contours, les ombres. Alors oui, la généreuse Lisa Joy conserve une certaine classe dans sa réalisation, grâce au travail de Paul Cameron qui avait officié sur les nocturnes du Collateral de Michael Mann et le Déjà-vu de Tony Scott. Mais à force de jeter ses idées à l'envie, elle accumule, alourdi son propos, ne vise plus qu'à l'emporte pièce et finit par rater toutes ses cibles. Une occasion gâchée.



Dans la catégorie des films sur la mémoire, il faut impérativement (re)voir les deux films précités qui écrasent Reminiscence tant sur la
façon d’aborder le sujet que sur son traitement purement formel :
Strange Days (scénario de James Cameron, s’il vous plait) et
Brainstorm dans son format d’origine.



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le 25 août 2021

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