Quand Sarah lâche spontanément "J'aimerais être une brouette", Lou de Laâge résume le film.
Soit l'histoire éculée de Charlie, une ado timide dont le père est un coureur de jupon devant l'éternel et la mère la pauvre sotte qui lui pardonne tout, et de l'incandescente Sarah, la nouvelle élève du lycée toujours prête à sortir, faire la fête, se rouler un spliff... et vampiriser ses amies. "Pourquoi est-ce que tu lui pardonnes, tout maman?" demande Charlie à sa mère, tout en interrogeant son subconscient. "Parce que je ne peux pas faire autrement" lui répond-elle. Ah.

Je pense qu'être un homme ne facilite pas la compréhension du malaise de Charlie. L'ambiance est lourde (ô ça pour l'être elle l'est), certes, mais comment croire qu'un individu puisse se laisser marcher sur les pieds comme ça? Encore un truc de nana (aucun sous-entendu machiste la-dedans, soyons clair).

La brouette de Lou, donc, est celle que Mélanie charge à bloc avec ses effets de style énervants, ses musiques évidentes, ses métaphores embarrassantes (aujourd'hui en cours de philo nous allons tenter de répondre à la question suivante : "la passion est-elle synonyme de liberté, ou contraire son opposé? Oh oh oh et puis en cours de bio nous parlerons des effets délétère du parasitismes sur le développement d'un géranium. Suivez mon regard) et sa psychologie plombante (la mère et la fille qui tombe dans le même panneau).

Mais malgré tout, derrière cette avalanche de clichés sur l'amitié féminine (oé vas-y que j'te lisse tes cheveux! Wouaaouuh elle-te-va-trop-bien-cette-robe! T'es trop belle ma chérie! J'aimerai trop me faire défonnn... pardon je m'égare), de ralentis inutiles, de plans larges sur la solitude de la pauvre Charlie au milieu de la nature, et de musique évocatrice, se cache une réelle sensibilité cinématographique de la part de Laurent. Elle use et ré-use de poncifs mais je suis forcé d'admettre que ça marche plutôt bien.

Sa réussite elle ne la doit pas à sa conclusion, qu'on voit arriver grosse comme une maison devant l'apathie de la pauvre Charlie, ni à ses effets de styles lourdeaux. Non, elle la doit à tous ses petits instants de vie criant de vérité qui parsèment son film et font naître une angoisse qui reste sournoisement latente tout le long du film : le changement d'humeur soudain de Sarah après une "erreur de jugement" de Charlie, ses petites réflexions désagréables, la jouissance qu'elle prend quand elle voit Charlie, seule dans sa caravane, perdue dans ses pensées qui sont, elle le sait bien, pour elle, ou encore une scène effarante d'aplomb où Sarah attrape le combiné du téléphone et dit au père de son amie de lâcher la grappe à sa mère... L'écriture du film, du quotidien monotone de Charlie à sa lente plongé en enfer, sauve le film de la lourdeur de la mise en scène de Mélanie Laurent. Pour étayer son propos, elle a la chance de posséder une actrice phénoménal : Lou de Laâge dont les changements d'humeurs dictent le rythme du film.
blig
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le 12 nov. 2014

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