RESTER VERTICAL (12,8) (Alain Guiraudie, FRA, 2016, 100min) :
Cette chronique rurale déconstruite suit les pas d’un cinéaste en mal d’inspiration qui se retrouve dans le grand causse Méjean de la Lozère où il rencontre une jeune bergère Marie armée pour annihiler la présence des loups. Alain Giraudie revient après l’épatant thriller érotique L’inconnu du lac (2014) et fait un demi-tour cinématographique en s’introduisant dans un film multi genres aux trajectoires brisées et non linéaire comme son long métrage précèdent. La scène introductive confirme ce désir du réalisateur. La mise en scène en scope offre des plans absolument splendides et dépeint judicieusement la place des protagonistes dans le récit, ils sont tous un peu bancals, fragilisés soit par le vent, la vieillesse, la précarité du monde agricole et la solitude…Les scènes de nuit oniriques nous plongent au milieu des contes. Et Léo venu chercher le loup le trouvera bien entendu niché dans l’homme. La narration anarchique déroute car pas de mise en place des personnages, les ellipses temporaires viennent régulièrement épurer la psychologie. L’auteur filme cru sans filtre on assiste à des baises très rapidement, on associe des images à connotation religieuse (le prénom Marie pour la femme n’étant pas anodin) et il nous offre une scène d’accouchement de manière frontale et abrupte dont Gustave Courbet nous a dépeint La naissance du monde de manière plus poétique. Chez Guiraudie les hommes manient le pinceau dans tous les sens et tous s’affranchissent et s’abandonnent à leurs pulsions vitales ou mortifères, on soulignera une scène de mort programmée dérangeante et inédite au cinéma. Cette narration de trajectoires brisées perd le spectateur par ces incessants et abrupts changements de direction. Le montage trop brutal nuit à la cohérence du propos qui se veut politique et manque un peu de subtilité, et l’un des thèmes majeurs du film (la paternité) n’arrive pas à émouvoir car difficile d’être en empathie avec ces humains décrits. Le chemin de croix du père pour tenter de survivre au milieu des hordes de loups (humains et animales) ne cesse de digresser et fini par ennuyer quelque peu. Le terreau fertile n’est pas assez exploité (par manque d’inspiration ?), Léo étant le pendant du réalisateur après le succès de L’inconnu du lac, ou vrai pamphlet pour soutenir maladroitement ceux qui veulent continuer de passer la « Nuit Debout », à la sortie du film mon cerveau reste perplexe…Un acte libertaire qui convoque l’état d’esprit des 70’s avec une bande sonore emplie de morceaux anthologiques du groupe Pink Floyd. Le casting de comédiens inconnus s’avère comme souvent chez Guiraudie assez judicieux, avec notamment Damien Bonnard en tête (Léo) en colosse bisexuel. N’ayez pas peur du loup, ne renoncez pas et venez voir si vous êtes fait pour Rester Vertical ! Libre, âpre, inquiétant, désordonné et déconcertant.