Acting des seconds rôles désastreux digne d'"A l'intérieur" de Maury et Bustillo, scénario idiot et et inutilement surféminisé qui lorgne du côté d'un Pascal Laugier, et violence ultra-gore qui semble réchappée d'un film d'Alexandre Aja : Revenge a tout d'une série B française des années 2000. Comme chez ses confrères d'il y a dix-quinze ans, Revenge est un film franchement cliché dans son histoire, assez voire très mal joué selon les scènes (l'exposition est si désastreuse que j'ai failli jeter l'éponge à ce moment-là : le regard de poisson mort, les lignes de dialogue nazissimes de Vincent Colombe et Guillaume Bouchède sont inoubliables dans le genre), et apparemment pas bien décidé à réinventer la roue - bien évidemment, c'est ENCORE une histoire de vengence d'une femme qui subit la violence des hommes, et aussi féminisé soit-on, ce discours trop souvent repris peut commencer à fatiguer, voire même à provoquer une certaine forme de rejet par sa facilité devenue presque éhontée à l'ère du hashtag #metoo, sur lequel Revenge semble bien trop jouer dans son premier quart.


Et puis soudain, le film démarre. L'héroïne mutilée revient à la vie. Matilda Lutz, découverte chez Gabriele Muccino, s'impose sous la caméra de Coralie Fargeat comme une pure aventurière, une Lara Croft vengeresse animée du seul désir d'en finir avec ses tortionnaires. Le pitch, là encore, est idiot. Mais Coralie Fargeat, qu'on a pu découvrir dans une interview fan de Cronenberg, Haneke et Picsou Magazine (existe-t-il, objectivement, plus saines références ?), se met, quand tout bascule, à déployer une inventivité folle, elle décide de laisser libre cours à sa créativité. C'est ce qui fait que Revenge prend son envol, jusqu'à atteindre des sommets : rarement ai-je observé dans un film de genre français une telle passion de cinéaste, qu'il s'agisse de la beauté de chaque plan, du timing extrêmement travaillé des scènes les plus violentes, jusqu'aux chorégraphies les plus intensément morbides et nerveuses que constituent les affrontements entre l'héroïne et ses tortionnaires. Revenge est, comme dirait un rédacteur de Mad Movies, un pur ride : un déchaînement de passion cinéphile, une lettre d'amour à un genre tout entier, mais aussi un hommage parfaitement autonome aux cinéastes que la réalisatrice cite en exemple. Définitivement, il y a des morceaux de Haneke et de Cronenberg dans la violence glacée des bastons, dans les corps, parfois nus, qui s'affrontent dans des matchs à mort de façon ultra crue. Il y a aussi d'énormes bouts de culture bis francophone, le no man's land qui sert de décor au film renvoyant aux premières et radicales oeuvres de Fabrice du Welz (Calvaire), d'Aja (son remake de La Colline a des yeux) ou même de Dupieux (Rubber). On trouvera aussi dans Revenge un arôme du tout premier film de Greg McLean, Wolf Creek.


En fait, chose assez rare, Revenge déborde tellement d'amour dans sa réalisation qu'il finit même par devenir sympathique dans ses maladresses, à l'image du culte "A l'intérieur" dont il partage le soin maniaque pour les effets spéciaux les plus glauques, et paradoxalement les plus magnifiques, car toujours artisanaux. On verse dans ce film gore et insensé des hectolitres de sang, mais jamais ce sang n'a l'air d'être en trop. Dans beaucoup de films d'horreur, les réalisateurs, y compris les plus inspirés, ont parfois tendance à verser dans la surenchère sans que cela n'apporte de réelle plus value esthétique. Coralie Fargeat s'en détache, au contraire, magistralement : par le parfum d'artisanat soigné qui se dégage de chaque effet, par la beauté de ses plans, par l'humour discret et ironique de certaines séquences, par l'image superbe et le montage impeccablement ciselé, la réalisatrice réussit, dès la fin du prologue, à enchaîner les scènes choc et esthétiques comme peu de cinéastes français y sont parvenus avant. On y vogue entre idées génialement abusées, comme cette séquence où l'héroïne se cautérise une plaie béante avec une canette de bière brûlante et s'en tatoue par accident le logo sur le ventre (top 10 anime betrayals), cette autre où l'une des infortunées proies se met en tête d'extraire un bout de verre fiché au fond de son pied, jusqu'au final parfait où proie et chasseur sont à la limite de se noyer dans leur propre hémoglobine. C'est parfaitement dégueulasse mais toujours calculé dans la dégueulasserie, et, in fine, parfaitement jouissif. Un pur ride, qu'ils disent donc, et sans doute la meilleure production française du genre depuis un paquet d'années.

boulingrin87
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le 27 juin 2019

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Seb C.

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