Ils ont applaudis, les fous !
Je crois en la bonne foi de Dany Boon quand il veut faire un bon film, quand il y met tout son coeur pour réussir à faire marrer les gens. J'y crois sincèrement. Mais je suis désolé, il n'est pas du tout question d'un bon film avec ce Rien à Déclarer qui me met hors de moi. Que l'on copie 80% des comédies américaines sorties ces vingt dernières années, ces mêmes comédies que le public français se fait toujours un plaisir de descendre parce que "les américains sont vraiment stupides" passe encore. Je mets ça sur le compte d'un quelconque manque de clairvoyance, d'une petite touche de patriotisme et d'un soupçon de mauvaise foi qui ne fait pas forcément de mal. Que l'on se gausse toutes les deux minutes à chaque réplique de Dany Boon ou de Benoit Poelvoorde (qui est tout de même à dix milles lieux de son meilleur niveau comique) m'ennuie déjà plus tant les situations sont quelconques et le traitement de l'histoire assez délicat pour ne pas dire complètement raté.
Plus je rumine le film et plus il me rend fou de colère. Comment peut ont oser parler de racisme et s'en moquer avec autant de maladresse, au point que n'importe quel raciste voyant le film n'en tirera aucune leçon ni ne se sentira blessé par une quelconque phrase bien sentie ? Comment peut-on sincèrement proposer à des rôles féminins aussi mauvais, avec tout le respect que je dois aux actrices Karine Viard et Chritel Pedrinelli, des séquences mélo-dramatique complètement ratées qui se finissent toujours par un gag venu débiliser la situation ? Comment, avec un peu de jugeote, est-on capable de tenter de faire rire avec un flic belge raciste qui tire sur tout ce qui bouge tout en montrant réellement des blessures jamais graves, mais sanglantes et une volonté réelle de tuer la personne qu'il a en face de lui ? C'est totalement immoral et bête, comme un scénario pas du tout bien écrit qui part en cacahuètes dès les premiers instants.
Le racisme anti-belge, anti-français est au coeur du problème et on fait les cent vannes pour bien nous le faire comprendre.Poelvoorde va changer parce qu'il a un ami français, mais le film se finit avec [SPOILER] sa haine du chinois [Fin de Spoiler]. Sérieux ? On finit le film en pourrissant la morale instaurée dix minutes plus tôt ? Ce qui est amusant c'est que les Américains ont fait cela cent fois dans le même registre de la comédie. La seule différence c'est que les armes ne font jamais saigner, les morales fonctionnent assez sur les "méchants" pour exister réellement en tant que telle et concrètement, même si un film est à l'eau de rose et totalement illogique, il se tient en tous les cas au niveau de sa moralité et du réalisme "humain" de la chose. Bien entendu on ne vit pas dans le monde des bisounours, mais dans ce cas-là pourquoi ne pas instaurer des coups de feu dans des comptines pour enfant et du porno dans le prochain Pixar ? Il y avait des enfants pendant la projection. Des enfants emmenés par des parents hilares qui de leur coté vomissent sur les jeux vidéos violents et le sexe à la télévision.
Ce qui me gène c'est que tout le film est une répétition de sketch pas foncièrement mauvaise, pourvu que le public y soit réceptif, mais qui sont reliés par une trame navrante de nullité, mal cousue et totalement ennuyante. Il faut assumer sa bêtise et y aller jusqu'au bout ! Faites un film à gags, faites un film moralisateur et caustique, mais ne mélangez pas les deux par pitié. Cela donne une soupe vraiment infâme qui reste clairement sur l'estomac.
Toute ma vie de cinéphile j'ai été choqué par ces millions de gens qui m'ont toujours dit que la comédie américaine était pourrie ou débile, que le cinéma "de genre" c'était pour les intellos, que je ne "savais pas apprécier un bon petit film" juste parce que je n'aimais pas le dernier hit à la promotion incessante, qui ne connaissaient pas les Monty Python alors qu'ils me jugeaient sans humour, qui me disaient que les films de science-fiction étaient trop "spéciaux", que de toute façon j'aime un film "que parce qu’ils n'en parlent pas à la télé". Bref, un cinéphile aujourd'hui est une personne péteuse qui ne sait rien apprécier au cinéma.
Et que se passe-t'il à la fin de la projection de Rien à Déclarer ? Les gens applaudissent ! Oui, les gens ont applaudis, comme on applaudit une récompense en hommage pour un acteur qui a 40 ans de carrière, on applaudit un film évènementiel, torturé, choquant, précurseur, dangereux, filmé dans des conditions extrêmes, qui raconte une vraie histoire, qui vous fout le cafard, vous fait rire avec de bons mots bien placés et des scènes à couper le souffle, qui transpire l'honnêteté comique, qui est fait avec trois francs et six sous et qui, au final, raconte vraiment quelque chose et/ou fait exploser de rire sur des situations cocasses, mais qui ont un but, même peu approfondi. Ce film n'a rien de cela.
Ce soir, des gens ont applaudi devant Rien à Déclarer comme on applaudissait devant Casablanca et ce soir, en toute sincérité, j'ai été totalement dégouté du cinéma. Car je sais qu'on me dira blasé, à la critique facile, manipulé par une sorte de consortium anti-succès, bref... On n'osera jamais dire qu'une merde est une merde et que rigoler devant un film n'en a jamais fait une oeuvre d'art pour autant. Ce soir je suis réellement triste, sans jeu de mots, pas pour faire de belles phrases et finir cet article d'une jolie façon pour faire "genre". Non non, je suis réellement dégouté. Je vois déjà venir le millier de bons donneurs de leçons qui vont venir me dire que je suis à côté de la plaque, que je n’ai pas compris un truc, que j'abuse, etc... Mais non, ça fait maintenant trois heures que j'ai vu le film et je me sens comme Charlton Heston à la fin de la Planete des Singes.
Ils ont applaudi... Les fous !
