C’est en 1954 qu’Otto Preminger réunit Robert Mitchum et Marilyn Monroe dans un western d’aventure qu’il ne veut pas réaliser et dans lequel Marilyn ne veut pas jouer – ils y sont obligés par leurs contrats.


Le film s’ouvre sur un cavalier solitaire, Matt Calder, qui déambule dans des décors naturels époustouflants, l’occasion pour le réalisateur d’en mettre plein la vue à son spectateur dès les premières secondes. Calder ne tarde pas à gagner une petite communauté de pèlerins et de chercheurs d’or, véritable océans de tentes qui fourmille d’activité. Il est à la recherche de son fils qui a été amené en ville quelques jours plus tôt.


L’enfant, Mark, a été recueilli par la chanteuse locale, Kay, une blonde plantureuse dont le compagnon est un joueur professionnel qui a – enfin – été en veine, et remporté une concession aux cartes. Il annonce la bonne nouvelle à sa jeune fiancée et les deux tourtereaux quittent la bourgade sans plus attendre, décidant de descendre la rivière jusqu’à Council City, où les attend leur nouvelle mine d’or.
« Rivière sans retour » est un film d’aventure qui comporte une importante part de road-movie. L’originalité réside ici dans la "route" empruntée par les personnages, la fameuse rivière qui donne son titre au film. Durant leur périple, les héros vont devoir faire face à de multiples obstacles : manque de ressources et de provisions, dangers naturels, antagonistes divers.


L’intérêt principal du film, son caractère de road-movie, constitue également sa faiblesse. Là où un road-movie classique permet de subjuguer le spectateur, de le faire rêver en lui donnant à découvrir des environnements fantastiques qu’il n’aurait pas l’occasion de visiter lui-même, le film de Preminger pose d’emblée les limites de son terrain de jeu : une rivière, et rien d’autre. De ce fait, on perd ce souci de diversité des paysages qui caractérise ce genre de films.


D’un autre côté, Preminger exploite habilement l’élément original apporté par la rivière pour servir son film et les péripéties rencontrées par ses personnages pour proposer quelque chose de nouveau. Le réalisateur énumère avec une précision presqu’exhaustive les caractéristiques du fleuve (dangereux, puissant, nourricier, salvateur, etc…) qu’il transforme en autant de scènes différentes.


Le film bénéficie en outre d’une ambiance plutôt sympathique. Outre l’aspect road-movie, pour lequel j’ai une tendresse immodérée qui ne me permet pas d’être tout à fait objectif, l’accent est mis sur la survie, et les quelques scènes de calme où Marilyn chante (doublée par Gloria Wood) et joue de la guitare offrent un répit agréable. Loin d’être un fan de l’actrice, j’en viendrai presqu’à la trouver attirante dans le film…


En revanche, « Rivière sans retour » possède de nombreux défauts, dont certains proviennent peut-être du manque de passion du réalisateur pour son propre film (réalisé sur commande). Le premier réside pour moi dans son caractère extrêmement prévisible : le film est d’une grande linéarité, les péripéties se succèdent avec une régularité de métronome et une succession de tous les dangers possibles que les personnages pouvaient rencontrer : rapides, animaux sauvages, bandits, indiens, rien ne manque. Il y a également à mon sens quelques soucis de rythme, avec trop peu de temps accordé aux scènes de pauses, trop peu nombreuses : le film ne laisse pas le temps au spectateur de reprendre son souffle qu’il passe à l’action suivante.
(Enfin, on pourra éventuellement reprocher à Preminger de passer plus de temps à mettre en valeur les courbes de Marilyn plutôt qu’à épaissir son scénario, mais, est-ce véritablement un tort ?)


En dépit de son caractère très linéaire et hautement prévisible, « Rivière sans retour » reste un divertissement tout à fait correct, agréable et où l’on ne s’ennuie pas. On pourra regretter que les paysages soient peu variés, malgré un choix de lieux de tournage époustouflants (vous n’avez qu’à rechercher sur Google Images "Banff National Park"). Enfin, c’est assez drôle de voir Mitchum en père de famille modèle après l’avoir découvert dans « La Nuit du Chasseur »…

Aramis
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le 2 juil. 2015

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