Une légende née à cause d'un manche à balai

"C'est systématiquement débile mais c'est toujours inattendu !"


Proclamé par le roi Arthur dans "Kaamelott" devant les bouffonneries de ses chevaliers, ce constat semble avoir été écrit pour traduire à la perfection l'étendue du désastre que représente le long-métrage d'Otto Bathurst.
Inattendu car il fallait tout de même être sacrément optimiste en espérant attirer du monde devant une énième adaptation des aventures de Robin des Bois. Déboulant de nulle part avec la conviction qu'un format d'origin story en mode super-héroïque est un argument à lui tout seul, l'ami Otto cherche clairement à s'engouffrer dans la brèche ouverte par "Le Roi Arthur" version Guy Richie dont la relecture bourrée d'anachronismes n'était qu'un prétexte à un divertissement bancal enchaînant les morceaux de bravoure délirants avec une certaine générosité. Dans le fond, pourquoi pas ? Après tout, Robin des Bois est bien la source d'inspiration principale de Green Arrow, un super-héros DC qui en reprend aussi bien les valeurs que le costume. Seulement, personne n'a jugé bon de prévenir Otto Bathurst que le film de Guy Ritchie a réalisé un bide monumental au box-office mondial tout autant qu'il a divisé une bonne partie du public ayant osé s'aventurer dans cette approche si particulière du mythique roi Arthur. Pire, pour une raison que l'on ignore, une bande de producteurs kamikazes a donné le feu vert à ce projet en lui allouant un budget conséquent de 100 millions de dollars et un casting qu'on aurait adoré voir en d'autres circonstances.
Pour autant, si "Robin des Bois" avait délivré une dose minimale de fun comme le postulat de son approche pouvait le suggérer, le film aurait pu se targuer d'emporter une part de notre indulgence comme l'avait fait "Le Roi Arthur" en son temps... Sauf que non, englué dans un premier degré impardonnable, "Robin des Bois" 2018 est d'une nullité totale qui en arrive à friser la débilité systématique -d'où la citation de départ.


Démarrant sur une absurdité temporelle où un narrateur nous glisse avoir oublié l'époque exacte de cette aventure alors que le générique dévoile assez clairement un texte parlant de la Troisième Croisade en Orient, "Robin des Bois" laisse pourtant augurer un film au ton plutôt léger. Sentiment d'ailleurs confirmé grâce au fou rire déclenché par une séquence de croisade où l'escouade de chevaliers dont fait partie Robin de Loxley (alors "simple" seigneur) paraît sortir d'une mission de "Call of Duty" au Moyen-Orient mais avec des arcs en lieu et place des armes automatiques. Hélas, on se rend assez vite compte qu'on était un peu seul à espérer du second degré tant Otto Bathurst va s'acharner à prendre avec le plus grand sérieux du monde une relecture qui ne le méritait sûrement pas et où absolument rien ne va fonctionner de ce point de vue.


"Robin des Bois" prend donc rapidement la forme d'un pur film de super-héros ayant pour simple particularité d'être situé au Moyen-Âge... et c'est tout.
De retour au pays, Robin enchaîne les déconvenues : déclaré mort, le méchantissime shérif de Nottingham lui a spoilé tous ses biens pour régner d'une main de fer à coups d'impôts exorbitants et sa belle Marianne lui a préféré les 50 nuances d'un ancêtre de Christian Grey (coquine, va !). Avec l'aide du futur Petit Jean, un maure aux motivations complètement abracadabrantes (il a beau les argumenter lui-même, sa raison d'être en Angleterre est juste ingobable), Robin joue son rôle de seigneur/milliardaire le jour et devient un voleur surentraîné la nuit pour détrousser le shérif et redonner son argent à la population. "Green Arrow" au Moyen-Âge en somme...


Non seulement le film ne démontre jamais une once de pertinence à avoir approché l'histoire de "Robin des Bois" de cette manière mais, en plus, il se contente de dérouler une intrigue terriblement basique qui embourbe ses personnages dans tous les poncifs possibles jusqu'à annihiler leurs chances d'exister par eux-mêmes. Au-delà de la capuche, le souvenir de ce Robin des Bois se résumera ainsi aux rictus permanents de Taron Egerton, le Petit Jean arabe interprété par Jamie Foxx façon majordome improbable aura semblé passer son temps (à juste titre) à se demander ce qu'il faisait là, Marianne et son nouveau compagnon auront été d'une transparence invraisemblable (sur les deux, seuls la profondeur des décolletés d'Eve Hewson est véritablement mémorable, c'est dire la prestation marquante de Jamie Dornan)... Un espoir naît cependant du côté des méchants aux motivations apparemment un peu plus travaillées que le reste : du passé du shérif d'une noirceur absolue (une sombre histoire de manche à balai) à une conspiration d'une grande ampleur impliquant le clergé, on sent que "Robin des Bois" paraît tout fier du côté "vilain" de sa relecture... Mais, encore une fois, tout cela est balancé n'importe comment et se résume grosso modo à un Ben Mendelsohn pas encore sorti de son rôle de méchant de "Ready Player One", il en a d'ailleurs gardé les mimiques, la garde-robe et l'armée de Sixers désormais vêtus d'armures.


Côté spectacle... comment dire... ben, c'est affreux ! Cadrant bizarrement toujours ses acteurs au plus près, Otto Bathurst ne donne jamais d'amplitude à ses scènes d'action se déroulant en plus la plupart du temps dans le confinement des décors des fortifications d'un village que l'on croirait en pleine révolution industrielle. En plus d'étouffer littéralement toute velléité de nous en mettre plein les yeux, "Robin des Bois" cherche à nous aveugler avec, au choix, des fonds verts franchement hideux (c'est à se demander si la fuite sur le chariot a été finalisée) ou des ralentis perpétuels qui n'ont ni queue ni tête (on a même droit à un clin d'oeil, inconscient ou non, à "Matrix" avec le premier vol où les flèches remplacent les balles). Même sur les scènes les plus banales, Otto Bathurst prend un malin plaisir à toujours trouver le cadrage le plus laid possible, comme si le bonhomme avait réalisé au dernier moment la galère dans laquelle il s'était embarqué et n'avait plus d'autres choix que de s'autosaboter afin de faire croire à une blague usant de tous les anachronismes les plus inutiles.


Ennuyeux, trop long, dénué d'enjeux intéressants et, pire que tout, jamais drôle ou divertissant, "Robin des Bois" est effectivement une vaste blague écrite à la va-vite, où rien ne marche et qui restera au mieux comme un bidule juste bon à alimenter votre liste de flops 2018.

RedArrow
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le 28 nov. 2018

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