Longue fresque néo-réaliste sur les difficultés que vivent les membres d'une famille livrée à des émigrations intérieures (dans les deux sens du terme) : à la fois, celle des italiens du sud arrivant à Milano et à la fois les changements psychologiques que cela suscite dans cette famille.

Mais forcément, le film ne se contente pas de celà.
Il y est question d'amour, de sexualité, de famille, de culpabilité, de déchéance et de morale surtout.

SPOILER : Ciro résume bien le thème essentiel dans la morale du film quand il explique à Luca que Rocco est un saint, qu'il pardonne tout, toujours et que c'est exactement ce qu'il ne fallait pas faire avec Simone.

Simone, boxeur déchu, amoureux malheureux, se répand dans la délinquance et le crime : vol, viol, prostitution jusqu'au meurtre.

A chaque fois, Rocco le couvre et paye pour lui. Finalement, il est aussi coupable que son frère. Ne le crie-t-il pas lui même à la fin?

Le film est magnifique, grand, monstrueusement italien.

Vers la fin, les scènes hystériques quand Simone revient sont un peu saoulantes pour moi. Mais enfin, si vous avez déjà réussi à voir les 160 premières minutes, le plus dur est fait ;)

En effet, ce drame, cette tragédie est très prenante. Les acteurs sont excellents surtout Renato Salvatori et celle qui devint sa femme Annie Girardot.

La mise en image est sublime.
Notez la scène du meurtre (du suicide?) quand elle ouvre les bras, adossée au poteau électrique et que Simone s'approche doucement, on ne la voit plus, ses bras apparaissent surgissant de la masse du corps de Simone qui s'approche lentement le couteau à la main. Elle s'offre, à la manière du christ, les bras en croix au couteau de celui qui l'a humilié, qui lui a ruiné son seul amour.

Rocco aussi, qui laisse la femme qu'il aime à son frère Simone parce qu'il est trop malheureux et commence à chuter, est aussi un fervent catholique qui implore sa mère de ne pas blasphémer, qui donne sa vie, en s'imposant d'être le boxeur que son frère n'a pas réussi à devenir. Victime expiatoire.

Un véritable film chrétien. Rocco passe son existence à se flageller et par voie de conséquence enfonce par amour fraternel son frère. Je partage totalement le point de vue de Ciro : Rocco est aussi coupable que Simone, tous les deux sont liés dans la tragédie. Rocco prend progressivement le rôle du père. D'ailleurs quand Ciro s'en va dénoncer Simone, Rocco le poursuit et lui hurle de ne pas le faire en hommage au père défunt.

Un film très catho, fondé sur les dégâts du sentiment de culpabilité et les chaînes que nous imposent nos sentiments familiaux.
Alligator
9
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le 30 nov. 2012

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Alligator

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