Ma note ne vient surement pas condamner les déviances narcissiques d'un réalisateur dont le succès lui serait monté à la tête. Le Guillaume Canet du film est un personnage détestable, presque du début jusqu'à la fin. Il y a peut-être une volonté cathartique derrière ce film, l'ambition de mettre en image, tout ce que le réalisateur ne veut pas devenir. Il s'agit donc surement d'une satire qui met en garde la génération du réalisateur, ainsi que les suivantes contre les dérives que peuvent impliquer un vieillissement non accepté.


Spoilers


L'intrigue est linéaire ce qui est une construction que je n'aime pas car on est privé des émotions que peut véhiculer une bonne histoire. Il y a un propos de base, et on va le suivre jusqu'à la fin. Il s'agit d'une sorte de descente aux enfers. Le problème est qu'elle n'a pas de réelle motivation et une fois qu'elle est lancée, personne ne semble chercher à l'arrêter. L’élément déclencheur est une interview dans laquelle on souligne le fait qu'il n'est pas quelqu'un de "rock" ce qu'il prend très mal. Dès lors, il va entrer dans un déni de vieillesse associé à une volonté de se comporter conformément à une image totalement fausse qu'il a de la jeunesse. On peut qualifier les jeunes d'insouciants. Son comportement n'a rien d'insouciant puisqu'il répond à une volonté de se conformer à un code bien précis. Ses agissements, de plus, ne lui font pas plaisir, on le voit à longueur de film. C'est l'image de lui qui en résulte qui est censée lui donner satisfaction et pour cela, il va jusqu'à nier l'épanouissement dans lequel il était avant.


Guillaume Canet va aller très loin dans son délire et va curieusement taper toujours à côté dans sa volonté d'être jeune. Comme la jeunesse, c'est aussi (surtout en fait), dans le physique, il se fait des injections de botox. Au début ça va, puis il se transforme successivement en Emmanuelle Béart, Meg Ryan et Bogdanov. Son visage devient l'antithèse de la jeunesse. Il se met aussi au sport. En principe c'est vrai qu'on associe la jeunesse à la santé (ce qui est en contradiction avec l'esprit rock'n' roll probablement), mais là c'est n'importe quoi. Déjà ça donne une mauvaise image de la musculation ce qui ne risque pas de ma transporter de joie. En plus, il s'entraîne au hasard (il fait des sit-up et du tirage nuque). Son coach Yann Moix Foukra est nul car il ne le laisse pas se reposer, mais apparemment, le cocktail de produits dopants qu'il lui donne est efficace puisqu'il devient très rapidement aussi musclé que Schwarzenegger ou presque. Cela n'a plus aucun sens.


Guillaume Canet fait jouer ses amis et dans ce film. Marion Cotillard est censée avoir les pieds sur Terre mais elle a aussi une obsession, celle des récompenses. C'est plutôt bien trouvé, sauf dans la majorité du film où elle parle avec un accent québécois. Basiquement, son compagnon ne comprend pas quand elle parle. C'est d'autant plus dérangeant qu'il présente de nombreux signes de dépression nerveuse. Le moment Céline Dion est ridicule.


Dans ce film, Guillaume Canet n'a fondamentalement pas d'amis. La concentration de l'antipathie sur son personnage nous empêche de considérer que la satire est aussi de ce côté-là. Les personnages agissent de manière rationnelle, sauf avec Guillaume. On ne cherche pas à l'aider. Quand il cause des problèmes, on s’énerve mais on n'essaye pas de trouver une solution. En plus, les reproches lui passent complètement au-dessus. Il n'écoute personne, son attitude parait aléatoire.


L'énorme malaise du film vient du fait qu'à aucun moment on ne présente la détresse du personnage. La logique du film aurait voulu qu'il y ait une raison cachée derrière. Il faut bien que son comportement ait une motivation, une explication. Là on a l'impression que c'est dans sa nature profonde ce qui n'est pas du tout crédible puisque c'est Guillaume Canet (sa vie d'avant était parfaitement saine). Comment peut-on croire qu'il désire jouer le rôle d'un jeune de 21 ans ? Comment le téléspectateur peut-il s'expliquer ce caprice et rester dans le film ? Ce genre de rôle doit lui être inaccessible depuis qu'il a 28 ans. Et pourquoi pas demander de jouer un lycéen de seconde dans Les Profs !


L'humour du film est assez mauvais. J'ai souvent ri pendant le film mais c'était un rire de malaise, comme devant un téléfilm canadien sur TMC dont l'intrigue est que la Terre s'arrête de tourner.


Toutefois, il s'est passé un truc intéressant pendant cette séance. Pendant un cours instant, je suis rentré dans film. A un moment de son tournage, il décide de jouer son personnage bourré et jette son verre à Camille. Puis quand on l'engueule il entre dans une colère qui me parait un court instant légitime et pertinente. Les événements qui amènent à cet instant sont grossiers, son effet est rapidement dilué dans le non-sens, mais à ce moment-là j'ai eu l'impression d'entrapercevoir la réalité psychologique que je recherchais. C'est comme si le personnage, en essayant de remettre le film dans lequel il joue sur le droit chemin, essayait de remettre le film de Guillaume Canet sur le droit chemin. Cela peut même marcher à un troisième niveau puisque le personnage peut s'adresser à lui-même, s'ingénier à être authentique et à ne plus se conformer à des codes qui n'ont aucun sens.

CauchySchwarzy
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le 16 févr. 2017

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