Grandir, c'est mourir

C'est assez surprenant !

Pourtant ça reste du Canet, on retrouve ses thèmes de prédilection, à savoir les tournages, les copains et l'amour. Mais on sent aussi que sa collaboration avec Eric Judor sur Platane l'a marqué, parce que cette autodérision elle est bien farfelue, pareil pour ce regard porté sur les autres gens du milieu. Mais c'est intéressant.

Le premier tiers est excellent : la crise de Canet qui veut monter qu'il n'est pas ringard est très drôle. Les personnages sont très bien exploités, l'autodérision est impeccablement exploitée, le situations sont très drôles, Canet gère bien l'humour. Le second tiers traite plus de la crise de la quarantaine, c'est un peu moins réussi mais ça reste très drôle tout de même ; ça commence à partir en vrille, avec des rêves complètement farfelus et une amorce sur le corps : Canet se retrouve avec le visage paralysé, c'est incroyablement crétin et drôle en même temps. La troisième et dernière partie désarçonne complètement : si les deux premières parties pouvaient encore se suivre, ici on part dans un autre délire avec les mêmes personnages. C'est bizarre mais ça reste drôle. Mais ça manque de structure et surtout Canet ne va pas assez loin dans son idée : Cotillard aurait clairement dû céder à la chirurgie aussi dans ce segment, les retrouvailles n'en auraient été que plus surréalistes mais amusantes ; il est dommage aussi que ce dernier personnage n'ait pas été plus exploité dans les deux premières parties.

En fait, le film souffre de sa structure décousue : on dirait que le scénario a été écrit sous forme de mini-série dont on aurait collé tous les épisodes pour faire un film. De plus, au niveau du ton c'est... très "rock 'n' roll" puisque Canet part dans le délire surréaliste comme bon lui semble. Ce n'est malheureusement pas toujours aussi efficace qu'on le voudrait mais globalement ça reste assez plaisant.

Et en fait, maintenant que je vois ce film, je me dis que Canet pourrait faire un bon Astérix, à la condition qu'il se réapproprie vraiment les personnages et l'univers, parce que bon, ces scènes délirantes ici, ça s'apparent, on va dire, à du Fluide Glacial, et un Astérix à la Fluide Glacial, moi je dis oui.

La mise en scène fonctionne bien : la caméra est bien placée, les acteurs ont le champ libre pour jouer et en même temps l'angle de vue accentue le côté comique avec une grande efficacité, même si c'est parfois très convenu (comme quand on nous cache le visage de Canet jusqu'à la dernière seconde). Les décors sont bien choisis, l'appart est cool, le plateau américain est convaincant et contraste bien avec le plateau du film indépendant français, ... à chaque fois on se situe bien. Les acteurs sont tous très bons, et Cotillard est particulièrement délicieuse dans cette violente autodérision (je ne fais que des handicap ou des accents). La BO est sympa à écouter, mais les tubes choisis sortent un peu du film, peut-être parce que ça appuie trop le message, ou bien parce que ça dénote avec les morceaux composés pour le film ? Les maquillages sont très bons ; la tronche et le corps de Canet sont hilarants ; même la séquence avec le visage figé à cause de la coke est magnifique. Et Canet est impeccable il ne m'a jamais autant fait rire.

Bref, je me suis bien marré ; moi qui avais peur de le voir je suis bien content d'avoir décidé de le tenter malgré tout. C'est à 10.000 lieues meilleurs que "Les petits mouchoirs" et sa suite.