Et le ton monte...... sur scène

Le vrai Rocket man, c’était sans doute Wan Hu, ce chinois qui au XVIème siècle aurait essayé de rejoindre la Lune en attachant des fusées à sa chaise, ce qui - on le devine - n’a pas fonctionné (anecdote à ressortir en société, elle fait son petit effet)..


On ne sera donc pas surpris que le film Rocket man ne traite pas de cette courte aventure mais s’attache aux basques colorées du compositeur-interprète de la chanson éponyme.


A la différence de la plupart des biopics, celui-ci part avec un paramètre non négligeable: il est produit directement par le chanteur dont il est l’objet.
Le grand Elton vient même assurer le service après-vente de son film en allant se faire ovationner à Cannes et y pousser la chansonnette.
C’est dire s’il approuve le résultat.


Et pourtant, son image n’y est pas toujours belle: si l’on y retient le génie de l’artiste à l’oreille absolue, l’extravagance et l’évidente maîtrise des harmonies, de la scène ainsi que les panneaux finaux qui viennent achever l’histoire façon conte de fée, on n’oublie pas les démons qui habitent l’homme.
Démons que le personnage évoque dès l’introduction et affronte au gré d’une narration sous forme de thérapie et de mise à nu progressive, quittant ses cornes et paillettes pour un peignoir gris informe


Si le procédé n’est pas révolutionnaire ni subtil au moins il donne au film une intensité qui manquait à Bohemian Rhapsody (la comparaison est inévitable compte tenu des sujets similaires et des dates de sorties rapprochées des deux biopics).
Cette approche des souffrances de l’humain, avec ses faiblesses, et son besoin d’amour le rendent similaire au commun des mortels, vulnérable comme tout le monde.
Comme quoi on a beau se grimmer on est tous un peu les mêmes.


La différence pour les artistes c’est qu’ils vivent les choses avec plus d’intensité, qu’ils font de leurs petites souffrances des drames dont on se sert pour créer des chefs d’oeuvres.
S’ils se la jouent drama queen, c’est pour mieux extraire le beau au milieu du terne et de la banalité de la vie.
On pourrait d’ailleurs se demander s’il faut vivre des drames pour devenir un artiste ou si le grand artiste est celui qui ressent les choses avec suffisamment d’intensité pour en nourrir son oeuvre.


Rocketman joue sur plusieurs tableaux en contrebalançant le côté intimiste des confessions d’un repenti par des séquences de pure comédie musicale, où le rêve a une part importante et où on nage dans un univers fantastique, aussi truculent et coloré que les costumes du Sir.
Sur ces passages, le travail du réalisateur est souvent pertinent, et on se retrouve happés dans un tourbillon qui colle parfaitement au fantasque Monsieur.


A défaut d’en apprendre beaucoup sur Elton John, au moins on a eu droit à un film incarné, durant lequel on a éprouvé beaucoup d’amour pour le personnage, pour son interprète et par extension pour le modèle.
Il est bien difficile de savoir si c’est l’excellente prestation de Taron Egerton, la réalisation, l’ambiance, ou un peu tout qui nous a rendu le film si sympathique.


S’il traite et se repose beaucoup sur la musique de son très gracieux sujet (de sa majesté), Rocketman arrive à exister au delà de sa bande son, et séduira sans doute également les spectateurs qui connaissent peu ou mal la musique d’Elton John.
Là où Bohemian Rhapsody avait anesthésié mon cerveau et éveillé mes oreilles et mes pieds en même temps que ma nostalgie, Rocketman n’a pas eu cet a priori positif du fait de ma culture Elton Johnnienne cantonnée aux passages radio.


Un film qui tient bien plus de la comédie musicale que de la réelle biographie, avec tous les éléments requis pour ce genre, et qui le fait de manière convaincante.

iori
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le 21 mai 2019

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