Ne cachons rien : l'auteur de cette critique n'a pas été avare en sarcasmes durant toute la phase de promotion de Rogue One : A Star Wars story. La moindre bande annonce, la moindre nouvelle affiche, était l'objet d'une petite pique à l'encontre d'un de ses proches, lui largement plus acquis à la cause. Le bougre a déjà réservé sa place pour Star Wars Episode XXIX : Les Plans sur la Comète. C'est que l'auteur de cette critique, déjà pas très client de la saga, est un petit malin, qui aime feuler à l'approche du premier bulldozer Disney venu. Et revient en rampant pour s'excuser à chaque fois : décidément, il est fort Mickey Mouse.
Rogue One : l'histoire de Luke Skywalk... Pardon de Rey... Non, de Jynn Erso (on y reviendra) qui rejoint l'Alliance Rebelle suite à... un scénario capricieux. Ouais... Et là... ça on l'a déjà vu dans la saga... Mmmh... Ouah lui, il est pas très... Euhmmm. Bien : premier constat, les trente premières minutes de ce spin off sont à la limite de l'imbuvable. Où prévisibles, où déjà rebattues mille fois dans cette même saga, la moindre situation a un air désagréable de déjà vu, une odeur de manque de prise de risque. Et Rogue One d'empiler les références (un hologramme, encore... un droïde trop pragmatique, encore...) et les cassures avec les autres épisodes pour réclamer son indépendance. Des différences intéressantes au départ mais tellement appuyée qu'elles en deviennent étouffantes : on jongle de planète en planète toute les deux minutes et le montage est très cut, pour se différencier des transitions animés des autres, trop jusqu'au créer du dynamisme factice. En ça, les deux premières scène de confrontations (durant l'enfance de Jynn puis la gunfight à Jeda City) sont inintéressantes. Mais c'est au terme d'un autre clin d'œil que, soudain, le film gagne en symbolique, en puissance et tout simplement en intérêt : alors que le message holographique prend fin et que la mort d'un premier père se profile pour Jynn, Rogue One prend son envol. Un second film, romanesque et actuel renaît des cendres de l'épuisante première partie. Exit l'auto citation et la vacillement, le film affirme son identité, non sans quelques erreurs de parcours.
Commençons par le commencement : le long métrage a l'avantage de ne pas être un épisode comme les autres dans la saga. Les événements qui y sont dépeints dans le film sont définis dans la timeline de Star Wars. Il y a un début et une fin, là où même Le Réveil de la Force est un fragment de quelque chose de plus grand, d'un immense univers qui a vécu bien avant et vivra bien après. Rogue One est donc le premier réel Star Wars avec un conclusion annoncée, guidé par un esprit fataliste. L'inéluctabilité de la fin est d'autant plus intéressante qu'elle permet au film de trouver d'autres enjeux : à quoi bon filer un mystère si la fin est connue de tous depuis maintenant 40 ans ? Ainsi le film de développer une mentalité nouvelle et d'explorer d'autre versants de son univers. Les sabres laser, c'est au vestiaire; bienvenue dans la Rébellion. Et la Rébellion, c'est chouette, on y fait un tas de trucs : on meurt, on enjambe les cadavres et on avance pendant que les jedis sirotent un café Crème-de-Saturne (avec l'accent anglais) à la cantina (vous avez vraiment lu avec l'accent anglais ?). Rogue One se passe aisément d'eux. En pur film de guerre, il égrène les minutes, et les rend de plus en plus tragique tandis que la mort, les souffrances et les responsabilités enserrent lentement mais sûrement les personnages, conscient d'être l'escouade suicide. C'est lorsque ceux-ci sont alors résolus de leurs sorts, près à sacrifier leurs vies, que souffle un vent d'espoir, ultime thème de la saga. Rogue One est résolument moderne : au départ érigé en rempart contre la Guerre Froide, ce message d'espoir se mue en une ambiguïté morale plus nuancée. Ce n'est plus sabre rouge contre sabre bleu, mais une guerre insensée, une course à la victoire dans laquelle ne choisir aucun camp revient à se condamner en victime collatéral : le parallèle entre Jeda, lieu de culte gangréné par des insurrections de l'Empire, traversée de tanks surarmés qui louvoient entre des foules au visages couverts de capuches et de foulards, et la situation actuelle en Proche Orient, est d'ailleurs plus que pertinent (tout comme le décor).
Dommage que cette imagerie lourde de sens se limite à une toile de fond : les conflits moraux au sein même du groupe de protagoniste sont limités au strict minimum puis passés par dessus la jambe. Globalement, ça se résume à :
"Non mais tu comprends pas ! Il FAUT tuer ce mec, sinon c'est dangereux !
-Mais c'est pas Charlie tout ça !
-Non mais t'es pas soldat, tu peux pas comprendre.
-Je s'appelle Groot.
-Mais moi, mon insérer figure paternelle où maternelle est mort !
-Oh... Ok.
-QUE LA FORCE SOIT AVEC MOI !
-MAIS LA FERME TOI !"
Oui, car si Rogue One sait faire respirer la saga en abordant un nouveau point de vue, il est si apeuré par son statut unique dans la saga/religion de George Lucas qu'il se sent forcé de rappeler ses origines bien plus qu'il n'en faut. Ainsi entend-on le mantra légendaire sûrement plus que dans les sept autres films cumulés ! C'est usant, au même titre que ces personnages qui ressemblent bien trop à leur modèles : tandis que le Directeur "frustré détenant un pouvoir immense dans les mains ne voulant pas décevoir Vador" Krennick
n'apporte rien de plus qu'un Kylo Ren, Jynn Erso a de furieux airs de Rey d'abord parce que c'est une femme (on n'entamera pas la débat de la diversité des rôles principaux féminins, mais il faut constater que c'est une mouvance) mais surtout pour son sens du sacrifice et son impulsivité et de Luke pour son origin story familial (Jynn, à part pour son rapport aux pères, est très peu développée et caractérisée) et son regard innocent sur un conflit qui la dépasse mais qu'elle finira par transcender. A cela s'ajoute une 3D des plus inutiles, l'une des B.O les moins inspirés du pourtant excellent Michael Giacchino (la même année que Doctor Strange... dur Michael, dur...) et la parade de personnages inutiles (les Deathtroopers en tête, qui squattent même certaines affiches) au look novateur dont le seul but est de vendre des figurines, des pyjamas et des pin's à leurs effigies (on appellera ça le "Syndrome Phasma Fett"... et on se donne rendez vous l'année prochaine...) Mais le pire est sûrement le scénario cousu de fil blanc, au rebondissement des plus prévisibles, pétri d'agaçants clichés de cinéma : Mais... MAIS TIRE ! ARRÊTE DE RACONTER TA VIE ET TIRE ! ET TOI, ARRÊTE DE REPETER "Non ! Jpeux pas la laisser ici !" BEN SI GROGNASSE ! IL EST MORT, ON LE SAIT TOUS, ARRÊTE, LES MECHANTS ARRIVENT ! DEGAGE DE LA ! TU VEUX FAIRE QUOI AVEC LE CADAVRE DE CE TYPE T'FACON ?!...
Bref,
on est renvoyé à des clichés vieux de 40 ans (1977, tiens tiens...) qui sortent instantanément du visionnage. Cet ensemble de défauts est des plus malsains pour une saga comme Star Wars et laisse penser à un produit bâclé pour les fêtes.
Mais le tir est corrigé, et le pilotage automatique contrebalancé par de bon, voir de très bon point. Saluons donc l'écriture de certains personnages tels que K2-SO, qui remporte haut la main la palme du droïde le plus bouleversant de toute la saga où encore le tremblotant Bodhi, incarné des étoiles plein les yeux par le formidable Riz Ahmed, qui suscite l'empathie immédiate. Et s'il fait trop souvent le chinois philosophe (la Force est avec toi, on a compris...) Chirut Îmwe peut jouir de la parfait interprétation de Donnie Yen. Le film a également le bon goût de proposer suffisamment de scènes uniques (où proposée d'un point de vue unique) pour relancer l'intérêt à chaque séquence tout en faisant oublier les clins d'œil poussifs : plus que jamais, les gunfights sont tendus et prenantes, spécialement la finale sur Scarif. Enfin Star Wars ne s'élève plus à un degré mythologique. C'est précisément ce qui a toujours bloqué l'auteur (oui, moi, mais faut garder la classe, une certaine distance, tu captes ?) : les gentils contre les méchants, point. La distance prise avec les personnages évoquait les légendes grecques, qui célébrait le héros surpuissant face au mal absolu. Ici, Rogue One change de ton est se connecte plus directement à notre réalité et agit en parabole plus direct sur notre condition. Si ce n'est pas forcément mieux qu'une histoire aux accents plus mythologiques (chacun ses goûts...bordel...ui...), le changement fait plaisir à voir et contribue à forger une véritable identité à Rogue One.
Au delà de ces qualités, le film profite d'une réalisation très inspirée en rendant justice à la vision de Lucas, bloqué à l'époque par les moyens techniques. A moins bien sûr que les AT AT en maquette branlante aussi haut qu'un arbre et à la limite du cartoon soit une intention : toujours est-il que le frisson est bien là lorsqu'ils entrent en scène. Ils sont imposants, gigantesques, effrayants. De même que la fuite de Jeda et les entrées en scène de l'Etoile Noire où de Vador. Plus que jamais, Star Wars fait frissonner. La mise en scène épique et gigantique de Gareth Edwards semble avoir été faite pour ça. Rogue One conforte le statut mythologique de la saga en nous ramenant à notre condition d'humain, soumis aux arcanes surpuissantes, mais fort ensemble : il fallait bien une histoire de guerre dans les étoiles pour nous ramener aux nôtres sur Terre.
Et nous rappeler que l'union vient de l'espoir.
Alors ayons espoir.
Espoir que les suites soient pas pourries.

JeVendsDuSavon
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le 27 déc. 2016

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