Dans mes pérégrinations cinématographiques, de solides oripeaux ornaient la terre dénommée Cinéma Français. Trop existentialiste, nombriliste, excluant, redondant, pas assez divertissant, trop avilissant. A l’argument parisianiste, j’y ajoutais l’omniprésence d’arrondissements au détriment d’autres. Néanmoins, plutôt que de se terrer dans cette suite de préjugés, me voici face à Rosalie Blum.


Parfaitement étranger à l’univers graphique dont est tiré le film, c’est plutôt le casting et la BA qui m’ont "convaincu". Des gueules sur lesquelles il est bien difficile de mettre des noms, une Anémone rare et un Kyan Khojandi dont le débit s’est bien ralenti depuis Bref.


Ce qui frappe c’est le caractère ordinaire du film. Bien sûr il y a le décor du film entre village assez impersonnel et environnement rural, soit une certaine représentation de la France péri-urbaine. Mais la galerie de personnage épouse cette banalité : on n’a pas affaire ici aux notables ni mêmes aux villageois. Point ici de situations comiques générées par la condition sociale (quitte à se vautrer dans la caricature), encore moins de dramatisation jusqu’à l’effroi d’un prétendu ennui (c’est connu, en ville c’est dynamique).


Ce caractère commun ne tend pourtant pas à l’insignifiant, au fade. Rosalie Blum instille avec subtilité un rythme posé, lunaire et propose d’alterner les points de vue des protagonistes. Plutôt que de simplifier le ressenti d’un personnage, plutôt que de le tourner en dérision, Julien Rappeneau (réalisateur et plus scénariste) fait baigner son long-métrage entre légèreté, désenchantement et zone d’ombre. En laissant le spectateur se familiariser avec l’histoire de chacun, puis à se façonner un avis sur chacun, Julien Rappeneau exclut toute précipitation ou autre massicotage.


De fait, face à cette collusion de personnages, de destins et de desseins, l’impatience pourrait être de mise. Oui, cette 1ère partie de film sent le déjà-vu. Mais plutôt que de passer au dressage et à la dégustation, Rosalie Blum nous fait mijoter. En résulte des nuances insoupçonnées mélange d’âpreté et de douceur. Point de (dés)équilibre dans la mise en avant des situations de chacun des personnages. Juste à point comme dirait l’autre. Le comique de certaines situations se suffit tout comme la grisaille d’une intrigue n’est pas sabordée par un torrent lacrymal et/ou d’invective. Rosalie Blum ne met pas en avant des preux, des zéros et autres personnage monolithique. Les défauts, erreurs de chacun ne sont pas le point de départ d’une morale ou autre radioscopie. Et de reprendre une antienne politique datant de 2012. Rosalie Blum est-il un film "normal" ?


Il y a chez Rosalie Blum les clés d’un cinéma "accessible", ni populiste et faisant office de démenti au moment d’aborder le cinéma français actuel : réflexion ne rime pas ici avec digression, le casting porte le propos à défaut d’être porté par une quelconque tête d’affiche vue et revue. Bien sûr, il y a ce moment où la véracité s’efface pour laisser place à toute une palette de sentiments. Mais il n’y a pas d’égarement ni même d’effets inutiles. Les quelques détours vers la poésie, le mélancolique ont une fin et sont au service de l’intrigue. Face à la pléthore d’histoire, de sensibilité, de personnages d’âge et d’horizon différents, Julien Rappeneau lie son personnage éponyme à une histoire et des personnages attachants. Ces choix (farfelus, envoûtant, décisifs) ne sont ni commentés ni même subis. Pas même une once de fatalisme ou d’égoïsme dans la résolution de ces obstacles. Juste cette soif de rencontre, d’aller outre et de déclencher quelque chose…quoi de plus normal au fond…

RaZom
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le 29 mars 2016

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