"Rubber" est un film gore, comique et intelligent et un hommage aux "aucune raison"!

Quentien Dupieux, réalisateur visionnaire, nous offre ici un chef d'oeuvre du 7e Art: "Rubber", un film gore, comique et intelligent, un hommage aux "aucune raison" et une vision de la nature humaine!

Le film de Quentin Dupieux s'ouvre sur une scène des plus étranges, où sont exposées des chaises au milieu de la route. Un homme se tient debout, avec plusieurs paires de jumelles. Une voiture de police apparait au loin, fait tomber toutes les chaises avant de s'arrêter devant l'homme. Un policier (Stephen Spinella, très expressif) sort du coffre, s'avance vers la caméra et commence à nous faire une dissertation sur le "aucune raison" dans les films mais aussi dans la vraie vie (voire retranscription du monologue ci-dessous). Pourquoi l'extra-terrestre dans le film "E.T." est-il marron?", pourquoi les personnages ne vont jamais au toilettes ou ne se lavent jamais les mains comme tout le monde dans le film "Massacre à la Tronçonneuse"?, pourquoi l'être humain ne peut-il pas voir l'air qui l'entoure ? Autant de questions pour une seule réponse: "aucune raison"!

Le film prétend déjà depuis le début être un hommage aux "aucune raison", et il a raison. Tout dans ce film n'a aucune raison, les personnages agissent bizarrement et, du coup, on ne s'étonne même plus que mêmes les pneus peuvent bouger. Le personnage principal du film est donc un pneu, en caoutchouc ("rubber" en anglais), qui se déplace tout seul. Ne venez pas me demander pourquoi, car je vous répondrai "aucune raison"! Tout ce que ce pneu croise sur sa route, il le détruit, à commencer par les petits objets tels une bouteille d'eau ou un scorpion qu'il écrase sans le moindre sentiment. Puis, il se tourne vers des choses plus grosses ou plus résistantes: une bouteille de verre, un corbeau, puis les êtres humains. Là, au lieu de leur rouler dessus, il exerce un pouvoir psychokinétique sur ses victimes et les fait exploser.

Là où Quentin Dupieux fait preuve d'intelligence, c'est en donnant à ce pneu tout un caractère et des sentiments. Aussi, on le sent ressentir au fur et à mesure colère, joie, amour, tristesse... et ce uniquement grâce aux effets spéciaux fabuleux, aux sons extraordinaires et à la musique excellente de Gaspard Auge & Mr. Oizo. En plus d'être réalisateur et scénariste de "Rubber", Quentin Dupieux intervient également dans son film en tant que directeur de la photographie et monteur. Point de vue technique, chaque plan du film est une oeuvre d'art, l'alliance parfaite entre paysage, mouvement, lumière et sons. Les longues séquences montrant le pneu en train de se déplacer sont filmées d'une main de maître, ou plutôt devrait-on dire d'un oeil de génie. Le jeu des profondeurs de champ, valorisant tour à tour le pneu ou bien le paysage, ainsi que les mouvements de caméra suivant le pneu, témoignent d'une maîtrise parfaite de la photographie.

Ainsi donc, nous avons l'occasion de suivre les aventures de ce pneu tueur et à la fois amoureux d'une femme (Roxane Mesquida), à travers nos yeux de spectateurs, mais aussi à travers les yeux des spectateurs du film incrustés dans le film lui-même, à savoir des personnages qui, depuis l'introduction du début, se retrouvent ensemble en haut d'une colline et s'amusent à observer et à commenter les allées et venues du pneu à l'aide des jumelles que possédait l'homme debout du début. Le policier qui s'adressait à la caméra, s'adressait en réalité à ces spectateurs-là. Les commentaires de ces spectateurs et du policier, en plus des sentiments du pneu, nous offrent, outre le principe de l'"aucune raison", plusieurs visions de l'être humain tel qu'il est. Notons par exemple cette scène où ces spectateurs, tous affamés, se jettent comme des sauvages sur un bout de dinde qu'ils engloutissent en deux temps trois mouvements.

C'est la nature même de l'être humain qui nous est présentée à travers le film, une vision bien pessimiste mais réaliste!

Cela dit, le film n'est pas uniquement une dissertation philosophique à laquelle il faut être 100% attentif, que du contraire. Quentin Dupieux nous offre aussi beaucoup de divertissement à travers plusieurs scènes comiques, y compris certaines scènes d'horreur qui peuvent susciter le rire. "Rubber" n'est pas un film d'horreur au sens propre du terme: il n'y a pas vraiment de suspense ou de moment où l'on sursaute. Les scènes gores ne sont là que parce qu'il n'y a aucune raison à ce qu'elles soient là. Tout le film repose sur ce principe de l'"aucune raison" et, au fond, c'est cela qui suscite le rire.

Ce qu'il y a d'étrange notamment, c'est le fait que les spectateurs dans le film entrent en contact avec les personnages qui jouent un rôle dans l'histoire (le policier, la fille que le pneu aime etc.) et tout le monde sait que tout dans ce film est faux, car rien n'a de raison.

Le paysage de désert californien stylise l'histoire de Quentin Dupieux, avec notamment le plan où le pneu se retrouve face à la voiture de police (voir photo ci-dessus), genre de clin d'oeil aux films de cowboys où les ennemis se tiennent l'un face à l'autre, prêts à dégainer.

Pour finir, le film m'a paru très court (et il l'est: seulement 1h24) mais fort intéressant, surtout que c'est l'un des rares films qui m'ait autant intrigué et excité à la fois. La fin est à savourer, car elle fait office de cliché des films d'horreur, où les monstres ne meurent jamais mais se réincarnent... Je recommande donc vraiment ce film que j'ai trouvé tout simplement génial !!!
Ciné-Look
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le 21 mai 2014

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