J'ai eu longtemps envie de voir ce film. Déjà la faute à un léger fanatisme pour l'oeuvre de Coppola, immense réalisateur qui me paraît clairement sous estimé par instant, sans doute dans certains cas la faute au succès des Parrains, qui bien évidement sont des chefs d'oeuvres. Donc c'est avec beaucoup de plaisir que par hasard je me mettais devant ce film, qui passait à la télé.

Je n'ai pas été déçu, tout simplement. Voilà un véritable chef d'oeuvre. Un poème cinématographique, une perle, d'une somptuosité déconcertante. Un rythme, des images et des allégories envoutantes. Une couleur des images... Ah ceux qui l'ont vu savent c'est un film en noir et blanc, mais pourtant l'image, les personnages, l'histoire est colorée. Coppola sait que son film nous aurait éblouis, le trop pleins de couleurs, de profondeur aurait noyé le film. Mais aussi est surtout le noir un blanc plonge le film dans une autre dimension, une profonde gravité, dans un univers richement composé et illustré. L'impact des images aurait été trop fort ou pas assez grave sans doute. Toujours est-il que le chois du noir et blanc et judicieux et sert d'autres objectifs.

Motorcycle Boy est daltonien. Il ne voit pas les couleurs, c'est fort, on voit globalement par ses yeux, tout n'est pas fondamentalement sans couleurs. La vie est pulpeuse, vivifiante, très réelle, mais elle a besoin de lui comme lui en a besoin, sauf que ce tissage n'est plus une évidence. La seule chose qui apparait en couleur ce sont ces poissons qui attaquent leurs reflets. Allégorie de la déliquescente image de Motorcycle Boy. Oui son reflet, ce qu'il renvoie de lui, l'image à laquelle il réfère n'est pas celle qu'il a de lui ni qu'il veut donner, bien que dans un besoin paradoxal il mystifie en ne donnant pas d'explications, il propage et entretient son mythe afin de ne pas se révéler, pour se protéger. Il est victime de préjugés qui font de lui une brute épaisse, chef de bande. Mais lui a construit sa réputation en se battant, alors que se battre n'était qu'un plaisir. Alors que les autres avaient peur, lui prenait un plaisir, mais surtout se sentait vivre.

Son frère Rusty James a suivi ses pas mais pas dans la même optique, lui vit la peur, la cherche, veut s'imposer. Il veut se montrer digne de ce qu'il pense être l'héritage de son frère. Il veut tracer dans ses pas. Son but est de devenir aussi sauvage que son frère, mais dans une dimension différente tout aussi humain. Leur humanité sue et pue la violence existentialiste. L'image que vous renvoyez vous colle à la peau comme une odeur rance, ils sont piégés dans leur fondement existentiel. Rusty James et son frère sont marqués par la société, ils sont ses symptômes. Ils sont définis par l'ensemble de la société, et leur volonté bien que différente les renvoient à leurs travers et intérêts.

La fuite du temps est une image prépondérante dans le film. De nombreuses horloges apparaissent dans des tailles différentes, mais toujours évidement mises en images et très marquantes, étouffantes. Rusty James et Motorcycle Boy en sont les esclaves, ils sont liés par l'évolution, mais aussi stoppé dans leurs images. Rusty James se fait prendre sa copine. Des ellipses météo mais aussi jour nuit d'un plan à l'autre. La confusion entre la nuit et le jour par instant. La volonté de suivre l'heure de faire plus court, d'aller plus vite, mais ralentissement permanent par les mauvais choix, les volonté destructrice.

La profondeur du film est hallucinante, un abime de souffrance dont les personnages sont les prisonniers. L'engrenage de la violence, des préjugés, des héritages, du code génétique. La société fusionnante et proposant à profusion de destruction en tout genre. Quand Boy est sourd il n'échappe pas réellement aux bruits qui l'entourent il est seulement victime de ce qu'il renvoie. Il entend comme un lointain echo les voix de la ville qui le martyrise, le stigmatise, il est victime de sa passion et de ses envies à contre courant dont la force de caractère a su imposé le sens, que son frère trop sensible a détruit en ne sachant pas reprendre dans la même optique les marques de son frère.

En définitive ce film est un électrochoc surpuissant sur la profusion des préjugés, sur le jugement de notre image, un renvoie de notre profondeur. Nous sommes tous sondés par le regard des autres. S'agit-il encore de savoir comment la gérer et manipuler par notre attitude. Rusty James est simplement violent. Motorcycle Boy lui semble investit d'une mission, celle de donner une essence aux choses, une justification. Interprétation et mauvais jugement.
TheDuke
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le 17 avr. 2013

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