Je dois l'avouer, Sale Temps à l'Hotel El Royale est une des très bonnes surprises de cette année pour moi. Je n'en attendais pas spécialement quelque chose, et pourtant j'ai été agréablement surpris par le deuxième long métrage de Drew Goddard.
Justement, mérite-t-il de lui accorder encore plus de crédit après La cabane dans les bois ? La réponse est oui.
Smoke and Mirrors
El Royale, c'est le nom d'un hôtel miteux qui a connu autrefois son heure de gloire et qui a pour mérite d'être à cheval sur deux Etats : la Californie et le Nevada. Sept personnes y arrivent lors d'une matinée de janvier 1969 dans la même journée et ont leur propres raisons d'être ici. Un trou perdu qui ne va pas tarder à se transformer en enfer...
Goddard (pas Jean-Luc) n'invente rien, et je dirais même que ses inspirations son visibles. Ce huis-clos s'apparente même, à de nombreux égards, à du théâtre. La première scène est exactement comme ça : on voit un homme dans un décor d'une chambre d’hôtel, démontant le plancher pour y plaquer ce qu'on suppose être le magot d'un braquage. On y entend que de la musique et quelques sons. Aucun dialogue, rien.
J'ai bien dit "on suppose", parce que rien ne permet de le confirmer. Et à vrai dire, des suppositions, le spectateur en fera plein le long du métrage, tant le réalisateur prend un malin plaisir à le guider sur de fausses pistes. Dès le départ, le jeu n'est que fausses-pistes, fausses identités et jeux de miroirs dans ce qui va tourner au jeu de massacre.
Une des forces du film est son casting absolument impeccable : Jeff Bridges est impérial en prêtre ayant des absences, Dakota Johnson incarne une jeune femme rebelle armée d'un shotgun, et Chris Hemsworth en gourou est surprenant. Et encore, je n'ai cité que quelques uns d'entre eux. On retiendra aussi Lewis Pullman en réceptionniste traumatisé.
Le film prend son temps pour tout dévoiler. Ce n'est que petit à petit que le spectateur reconstitue le puzzle de cette intrigue à tiroirs. Et lorsque ça tâche au rouge, ça fait souvent mal.
El Royale bénéficie d'une écriture intelligente et Goddard ( toujours pas Jean-Luc... Ok, j'arrête avec ce gag foireux), sait mener ses acteurs. Le genre de cinéma pop et décomplexé comme on en fait rarement. . On notera aussi une excellente musique faite par Michael Giacchino et un choix de chansons absolument génial. Mais tout n'est hélas pas parfait : le " chapitrage" du métrage plombe hélas le rythme global, notamment dans la seconde partie
L'Amérique face à ses démons
Ça , c'était pour la première lecture. Pour la seconde, on voit que Goddard arrive à transmettre quelques messages bien sentis sur notre époque : une Amérique divisée, voire traumatisée par un passé qu'elle regrette et a bien du mal à avancer. Un pays paranoïaque, dans lequel le mensonge, comme dans le film devient de plus en plus la norme ( notamment avec l'autre taré de président....). En effet, dans le film, nous avons bien du mal à démêler le vrai du faux. Imaginez ce que ça dit dans une ère où les " fake news" sont devenues quasiment une norme... la résonance est évidente, et les derniers événements de ces jours derniers ( retrait d'une accréditation présidentielle d'un journaliste de CNN) lui donne encore plus de poids.
Beaucoup diront que c'est du "sous-Tarantino". Ce n'est pas forcément faux, mais pas vrai pour autant. C'est une erreur d'attendre de faire aussi bien que le maître absolu pour un deuxième long-métrage. Goddard s'en inspire, ça se voit, mais y apporte aussi une touche personnelle. Certes, ça ne défouraille pas dans tous les sens, mais est-ce vraiment ce qu'on attendait ?
Malgré une fin trop conventionnelle à mon gout, Sale temps à l'Hotel El Royale apporte un petit vent frais dans le cinéma de genre.