Délicieusement rétro, original et mystérieux, le film pêche par sa durée et une résolution décevante

Le scénariste Drew Goddard avait surpris son monde grâce à son premier film « La Cabane dans les bois » il y a quelques années. Un long-métrage qui démarrait comme un simple film d’horreur pour adolescents et qui déconstruisait le genre par le biais d’une dimension méta dans sa seconde partie totalement délirante. Surprenant mais un peu trop déconcertant. Si « Sale temps à l’hôtel El Royale » bénéficie d’un scénario tout aussi retors et qui sort des sentiers battus, il ne prend pas pour autant le même chemin introspectif avec le polar que son aîné. Et c’est tant mieux car l’originalité a ses limites dans certains cas. On pense un peu à l’excellent « Identity » de James Mangold avec ces inconnus coincés dans un motel avec un secret mais le déroulement sera moins psychologique et plus classique en dépit de nombreux rebondissements bien sentis. Cependant, on ne peut s’empêcher d’être un peu déçu par une oeuvre au postulat doté d’un gros potentiel et qui le gâche par quelques petites sorties de route.


Et le problème principal de ce suspense rétro vient de sa durée. Deux heures et vingt minutes c’est beaucoup trop long! Une demi-heure de moins n’aurait pas été préjudiciable à sa qualité et aurait accouché d’un format plus adapté à un genre qui se doit d’être rythmé. Pourtant, et c’est paradoxal, un personnage ou deux en plus dans cet hôtel aurait ajouté du piment à l’affaire mais aurait aussi pu combler cette durée trop généreuse, qui se traduit parfois par trop de bavardages inutiles et des séquences étirées plus que de raison. Le bon côté des choses est que le film prend bien le temps de présenter ses personnages, ce qui s’avère de moins en moins courant à notre époque, tout comme son contexte en optimisant au maximum le lieu de l’action. Enfin, cette intrigue pour le moins intrigante retombe un peu comme un soufflé, l’épilogue étant un tantinet décevant au regard des pistes mises en branle et certaines zones d’ombres restant mystérieusement opaques (le meurtre dont on parle à la télé, les personnes sur le film gardé par le réceptionniste, …).


Drew Goddard sait pourtant instaurer un climat empli de mystère et il parvient à maintenir notre attention grâce à son histoire pour le moins peu commune. Machiavélique et intelligente, elle ne prend pas le spectateur pour un idiot et le fait participer. On apprécie les astuces narratives employées tels que les retours en arrière, le chapitrage ou même le fameux procédé de la séquence vue de différents points de vue comme dans « Rashomon ». L’ambiance inquiétante et l’humour noir parfois présent nous font tout de même passer un bon moment pour une oeuvre hors des modes qui aurait gagné à pousser le concept encore plus loin et surtout en étant plus clair et concise. Ajoutons le plaisir d’une bande originale délicieusement rétro et on obtient un jeu de massacre imprévisible qui dresse le portrait d’une certaine Amérique sous Nixon moribonde.


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JorikVesperhaven
6

Créée

le 13 nov. 2018

Critique lue 173 fois

Rémy Fiers

Écrit par

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