Je me méfie toujours un peu des films qui sont vendus comme des Tarantino-like. Et pourtant, je suis toujours très attiré par eux. Certains arrivent à sortir du lot, soit car le réalisateur est arrivé à y mettre sa touche personnelle, soit car ils font preuve d’une grande efficacité et du coup ils font passer un bon moment. D’autres se contentent d’être une pâle copie sans âme, sans jamais essayer de faire autre chose (certains diront que c’est ce que fait le réalisateur lui-même, mais là n’est pas le débat). Nous voilà donc embarqués dans Sale Temps à l’Hôtel El Royale (2018), deuxième film du réalisateur de La Cabane dans les Bois (2012), sur les conseils d’un ami dont les goûts cinématographiques sont proches des miens. Les risques étaient donc limités, et ce fût effectivement une bonne pioche. Ce huis-clos n’est certes pas le film du siècle, mais son ambiance très réussie, ses bons dialogues et ses personnages pittoresques en font un bon divertissement.


D’entrée de jeu, on sent bien que les différents personnages qui nous sont présentés ne sont pas réellement ce qu’ils prétendent être. On devient très rapidement curieux, on sent qu’ils ont tous quelque chose à cacher, qu’ils ne sont ni tout blanc, ni tout noir, et ce côté mystérieux va permettre quelques moments bien savoureux. Le réalisateur va énormément jouer avec ça et va pousser le vice jusqu’à faire de son lieu quasi unique, l’hôtel El Royale, un personnage à lui tout seul, tout aussi mystérieux et qui réserve bien des surprises. On est presque dans une pièce de théâtre, avec ses différents actes, ses personnages plein de personnalité, l’envers du décor. Le point de départ du film est très simple, un sac d’argent caché 10 ans auparavant sous le plancher de l’une des chambres, et pourtant Sale Temps à l’Hôtel El Royale est plein de surprises, du début à la fin, sans jamais ennuyer malgré son lieu unique et ses 2h21 au compteur. Drew Goddard découpe son film en plusieurs chapitres, chacun va être basé sur un personnage, et chacun va présenter le même segment d’histoire, mais avec un point de vue différent. On va donc revoir ce qu’on a pu voir dans le chapitre précédent, mais sous un autre angle, nous amenant parfois de nouvelles informations, en confirmer d’autres, nous montrant de nouveaux secrets. Il finira sur un règlement de compte général mettant fin au péripéties de chacun, avec l’arrivé d’un ultime personnage bien barré. La comparaison avec Tarantino est clairement justifiée. On pense immédiatement à un film comme Les Huit Salopards, pour son espace restreint dans lequel vont évoluer les personnages, mais pas que. Il y a du Pulp Fiction là-dedans, il y a du Reservoir Dogs, du Jackie Brown même, et il est clairement facile de comprendre que Drew Goddard est un fan du travail de Quentin Tarantino.


On retrouve ce même soin apporté aux dialogues, débouchant sur des échanges parfois jouissifs ; ce travail de minutie pour nous pondre des personnages aux petits oignons, très travaillés, bien différents, qu’il est très facile d’adorer ou de détester alors que tous sont clairement borderline ; cet effort pour créer une ambiance forte, aussi bien pour les yeux que pour les oreilles. Sur ce dernier point, le film de Drew Goddard s’en tire avec les honneurs, tout en se démarquant du cinéma dont il s’inspire. Visuellement, ça claque. Les images sont belles, avec de superbes effets d’ombres/lumières, les cadrages toujours au millimètre, et la reproduction du look années 60, avec tout ce que cela comporte d’objets aujourd’hui vintage, est très réussie. Même chose avec ce qui concerne la bande son. Même si elle ne marque pas, elle accompagne le film du début à la fin de bien belle manière et a une place très importante. Les acteurs sont quant à eux très bons, et vraiment à fond dans leur rôle parfois complexe. Jeff Bridges (The Big Lebowsky), par son charisme, prend immédiatement le pas sur les autres, mais aucun ne démérite. Et puis ça fait plaisir de voir Chris Hemsworth (Thor, Tyler Rake) dans un rôle tête à claque, il semble prendre énormément de plaisir à écorner son image de gendre irréprochable.
Le tableau semble idyllique dit comme ça, mais Sale Temps à l’Hôtel El Royale perd de sa superbe dans sa dernière partie. Le rythme assez lent des deux premiers tiers collait parfaitement à l’ambiance, mais lorsque ça s’accélère pour préparer le final, on revient sur quelque chose de plus conventionnel, de moins inattendu. Bien que cette partie reste malgré tout des plus agréables, avec le règlement de compte qu’on sentait bien venir, on reste malgré tout persuadé que le film aurait clairement pu atteindre des sommets s’il avait su continuer sur sa lancée. En l’état, il lui manque ce petit quelque chose pour en faire vraiment un excellent thriller.


Sale Temps à l’Hôtel El Royale est un huis clos des plus efficaces. Très bon casting, excellente ambiance, histoire à tiroirs, mise en scène soignée, le spectacle qui nous est proposé est des plus réjouissants et ne pêche réellement que par un final un peu en dessous.


Critique originale : ICI

cherycok
7
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le 9 juin 2020

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