John Krasinski qui réalise un film d'horreur produit par Michael Bay, franchement il y a de quoi être assez dubitatif, surtout que le seul autre film réalisé par Krasinski que j'ai vu, c'était son premier passage à la réalisation : Brief Interviews with Hideous Men et c'était looooinnn d'être ne serait-ce que moyen.
Mais là, il a totalement réussi son pari, il propose un film d'horreur qui doit être parmi les rares qui ont réussi à me faire flipper et à maintenir une tension tout du long durant.


En fait ce qui fonctionne si bien ici c'est le concept de départ : il ne faut pas faire de bruit sinon on se fait attaquer par des monstres. C'est simple, il n'y a rien de plus, ça peut sembler facile, sauf que ce n'est pas : Il ne faut pas de bruit la nuit ou bien il ne faut pas faire de bruit dans tel endroit, c'est : il ne faut JAMAIS faire de bruit sinon tu meurs... Donc pas parler, pas crier, pas chanter, pas marcher avec des chaussures, pas rouler en voiture, mais faire tomber d'objet, ne pas pleurer, ne pas rire... rien... que du silence, partout, tout le temps...


Et avec ce concept donc le film peut s'inscrire sur un temps beaucoup plus long que d'autres films d'horreurs, la menace est sur le long terme et omniprésente, il n'y a pas de lieux sûrs. Un peu comme dans un film de zombis, sauf que même dans les films de zombis il y a des moments où les personnages peuvent souffler car à l'abri bien barricadés... Là, non...


Ainsi le film commence alors que l'attaque des monstres a déjà bien commencée et se permet une ellipse de plusieurs mois. Chose rare dans un film d'horreur. On n'aura aucune explication du pourquoi ou du comment... On sait juste qu'ils ne doivent pas faire de bruit, sinon ils meurent.


Et avec ça, forcément, on arrive à accumuler les scènes de tension et surtout à faire passer une scène joyeuse à une scène totalement folle où la tension est à son comble car il suffit qu'un objet tombe par terre et ils meurent tous...


Grâce à ce concept Krasinski est obligé de montrer ses personnages et de ne pas les faire raconter qui ils sont. On voit donc les personnages agir, on comprend sans que ça soit surligné qui est qui, qui fait quoi, qui veut quoi, qui est quoi et il est obligé de bien le faire, sinon son film, quasiment muet au départ, aurait été juste chiant...


Donc, avec des non-dits, il arrive à nous faire comprendre les thématiques universelles de son film, autour de la famille, du deuil, de la culpabilité, le tout servi avec des bons acteurs. Blunt est magnifique, comme d'habitude, mais là c'est surtout la jeune fille sourde qui attire l'attention car elle possède un charme authentique, disons qu'on voit que l'actrice est réellement sourde et qu'elle ne fait pas semblant. D'ailleurs très bien utilisé dans le film car à plusieurs moments lorsqu'on la filme on perd l'audition et on n'entend que se ce que son appareil auditif veut bien lui faire entendre, ce qui renforce encore une fois la tension.


Vraiment c'est de cette contrainte que naît l'inventivité et la réussite du film.


Alors certes le film n'est pas exempt de défauts, on retrouve quand même une belle petite famille américaine, avec quelques passages obligés, notamment sur la fin, mais franchement il est tendu tellement tout le temps qu'il est difficile de ne pas lui pardonner quelques rares moments plus faibles tant la tension reste à son comble en permanence.


Bref, stressant, bien foutu, bien joué, c'est une franche réussite que je ne suis pas prêt d'oublier de si tôt. C'est l'exemple même qui donne ses lettres de noblesses à la formule de Bresson lorsqu'il disait que le cinéma parlant avait inventé le silence. Effectivement, impensable de faire un film comme ça muet, c'est de ce silence obligatoire que naît l'angoisse, l'angoisse du bruit et l'angoisse de ce qui pourrait se produire une fois que le bruit a été fait.


Brrrr

Moizi
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le 29 juin 2018

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Moizi

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