A l’approche des traditions hivernales, et de cette douce innocence imprégnant chaque flocon de neige, le cinéma tente bien souvent, lui aussi, de retrouver cette naïveté instinctive, cette bonhomie unique qui chaque année illumine les cœurs de son universalité. Une démarche qui, la plupart du temps, se solde par une hotte sans cadeaux : l’emballage a beau faire rêver, le résultat ne s’en trouve que plus grossier. Sans ambition, ni fascination, le pari d’un authentique « film de Noel » semblait perdu d’avance. Condamné à manger de la guimauve aseptisée aux téléfilms M6 pour l’éternité, un dernier espoir vit le jour en la personne d’Alain Chabat, audacieux farceur qui n’a jamais cessé de croire à l’esprit fabuleux qu’est celui du cinéma.


Comme en appliquant du TonyGlandil sur l’esprit de Noel, sans pour autant verser dans le Bad Santa, sa générosité de conteur envoie une boule de neige à la face du mauvais goût caractéristique des multiples comédies françaises contemporaines, tout en permettant de déterrer notre âme d’enfant, enfouie sous la médiocrité d’un certain cinéma sans sincérité. Comme une friandise hivernale plongée dans un délicieux chocolat chaud, son Santa Et Cie se dévore avec la même gourmandise, celle d’un adulte redevenu enfant, et d’un enfant aux convictions sauves. Car tout est question d’enfance dans le cinéma de Chabat, comme si son expérience des Gamins s’était transformée en celle d’un Benjamin Button : une sorte d’infantilisation saine, pour le meilleur et pour le rire.


Du réalisme à son contraire, de la magie de l’innocence à ces croyances ingénues, Chabat convoque l’esprit des noëls passés pour mieux en magnifier celui du noël présent. Sur l’échelle de la référence, Capra n’est jamais loin, même s’il en faudrait beaucoup plus pour atteindre la perfection émotionnelle que représente La Vie est Belle. Néanmoins, le rapprochement à l’américaine, entre la démesure formelle et la bienveillance traditionnelle, est inévitable : une sorte d’inversion du schéma narratif d’un Super Noel, où un Elf serait passé sous le traîneau d’un Miracle sur la 34e rue. Pourquoi pas ?


Car Santa Et Cie est une œuvre tout en bienveillance, où le sourire de la patte Chabat se mêle avec la tendresse du conte de Noël. L’erreur, pouvant amener à une déception certaine, serait d’ailleurs de se mettre en tête l’idée préconçue qu’il s’agit d’un film estampillé « NUL ». Red is Dead ? Puisque Santa Et Cie ne se veut rien d’autre qu’une comédie familiale sans tentative de provocation parodique ; juste un ton légèrement décalé pour dissoudre la force comique de la transgression dans une ambiance plutôt bon enfant: une sorte d’atténuation tout en douceur des Nuls en somme. Pas d’insolence donc, mais dans la série Régis est un con, voici Régis à la recherche de 92 000 tubes de vitamine C. Maigre satisfaction, mais délectation tout de même.


Et là où il serait facile de lui reprocher une dépersonnalisation de son cinéma, Chabat aspire, au contraire, à utiliser les standards et conventions actuelles pour en magnifier chaque instant de sa simplicité créative. Des moments de douceur et de rire où il serait permis de rêver encore. Plus brillante plus belle pour une autre étincelle. Croire l’espace d’un instant, à cet esprit éternel qu’est celui de Noel. Comme pour contrer un monde qui ne croit plus qu’en la rationalité. Son Père Noel en est une représentation opposée dans son ignorance de la bêtise humaine, du capitalisme, du Mal, du concept même d’argent… une espèce d’enfant n’étant jamais devenu un adulte ; d’autant plus que le sérieux du jeu de Chabat en renforce l’hilarante crédulité. Et même si sa dénonciation de cette fin de l’innocence n’est peut être pas assez exploitée, elle a le mérite d’exister. Tout comme cette réalité parallèle, façon upside down, sans couleur et sans joie, l’image d’un monde sans émerveillement, là où Noel se serait éteint en même temps que l’âme des enfants.


Un sentiment de parachutage renforçant l’aspect comique, décalé et poétique de la chose : Insérer l’imaginaire dans une réalité défectueuse, pour faire en sorte que le cinéma nous fasse croire, encore un soir, à la semaine des trente-cinq heures. Un type d’emballage qui serait aussi généreux que son contenu. Car dans ce véritable Vortex de l’émerveillement, tout n’est que prétexte à la folie visuelle (effets spéciaux à la limite du lyrisme enfantin et d’un magasin Toys R Us) et à l’élégance des innombrables jeux de mots, à s’en donner mal aux rennes. Une écriture recelant de guirlandes à gaieté et de boules à plaisir, puisque dans sa hotte, le père Chabat en sort un faisceau de bonhomie, sans prétention ni afféterie. Sûrement appuyé par ses lutins de comédiens, de ce Palmashow désopilant dans leur incompétence policière à ce couple complice, d’une beauté quasi surnaturelle (Golshifteh Farahani y est rayonnante au côté d’un Pio Marmai tout aussi charmant).


De ce miracle figé sur notre visage, reste les palpitations d’un cœur d’enfant. En cristallisant l’un de ces rares moments de l’année où l’adulte peut retrouver son innocence, Santa Et Cie s’impose comme une comédie pataugeant dans la poudreuse de l’euphorie. De quoi conjecturer un éventuel nouveau-né sur les programmes TVs. De l'amusement sans âge à la démesure conventionnelle, il n'y a qu'un renne. Une sorte de bonne humeur extrêmement communicative, à l’image d’une simple écoute de Mariah Carey : « All the lights are shining So brightly everywhere And the sound of children's Laughter fills the air And everyone is singing I hear those sleigh bells ringing ». Car, oui, une cloche sonne. Il semblerait donc que Chabat vienne de gagner ses ailes…


Rockin' Around the Christmas Tree

blacktide
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le 6 déc. 2017

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blacktide

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