Le dernier Moretti retrace, au moyen de vidéos d’archives et de témoignages variés (militants, réalisateurs, ouvriers etc…) l’avant et l’après 11 septembre 1973, c’est-à-dire l’euphorie de l’arrivée au pouvoir de Salvador Allende, la journée de putsch, les exactions (assassinats, séquestration et tortures) qui ont suivies, notamment à l’intérieur du stade national improvisé prison, puis le repli dans l’ambassade d’Italie et l’exil vers Rome. Difficile de parler du film sans y intégrer la figure de Moretti dans le récit, le plan, le projet, d’autant qu’il vient de là, Moretti, du documentaire, à la base. Moretti a vingt ans en 1973 et il réalise son premier court métrage. Revenir 45 ans plus tard sur ces évènements – qui ont une place importante dans l’histoire italienne, ce que personnellement j’ignorais – lui permet de raconter l’Italie par le Chili, l’Italie par les chiliens issus de la démocratie d’Allende qui ont fui la dictature de Pinochet, et sont pour la plupart, resté en Italie. Donc de dire qu’on pourra toujours être fier de l’Italie dans son impact sur cet évènement-là. Le film se fermera par ailleurs sur le témoignage d’un homme issu de cet exil, se désolant de constater que l’Italie d’aujourd’hui ressemble au Chili d’après 73. Il est la voix de Moretti, c’est évident. Moretti, lui, n’apparait quasiment pas dans son film. Il l’ouvre, de dos, surplombant Santiago dans un plan qui n’a strictement rien à voir avec ceux qui suivront. Et sa voix se fera entendre ici et là, pour offrir par exemple le mot qu’un témoignant ne parvient pas à trouver, poser une petite question (« Pourquoi êtes-vous ému ? » demande-t-il à cet homme, bouleversé par le souvenir d’une belle action d’un cardinal, lui qui n’est pas religieux du tout). On pourra aussi distinguer sa silhouette ou son visage, dans certains reflets, mais c’est tout. Il offre toutefois une apparition, une seule, dans le même plan qu’un bourreau – Il y aura deux entretiens avec des bourreaux dans Santiago, Italia : Un général et un milicien condamné – qui demande de l’impartialité, du pardon. Evidemment, c’est pas Moretti qui lui offrira. Bref, c’est un film puissant, aux images d’époque parfois très crues et violentes, aux entretiens très doux, posés, et à l’évocation hyper émouvante d’abord de l’état d’urgence provoqué par le coup d’Etat, mais aussi de ce mur qu’il fallait franchir, en évitant la junte militaire, pour se réfugier dans cette ambassade et bien entendu de cet accueil providentiel, comme le firent aussi, mais souvent moins longtemps, d’autres ambassades européennes.

JanosValuska
7
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le 24 avr. 2019

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