Premier film de 2020 qui mérite ma critique. Bon, ok, aux USA il est sorti en 2019. Bon, ok, 1917 mériterait aussi une critique, mais je n’y peux rien, je n’arrive pas à parler des films de guerre.  Scandale, Bombshelle en VO — pour une fois qu’on ne traduit pas trop mal un titre — raconte la descente aux enfers du créateur de la chaîne d’info américaine Fox News. Non, plutôt la descente aux enfers de toutes les femmes qu’il a harcelées. Le début se perd un peu dans une dispute, qui a réellement eu lieu, entre la présentatrice phare de la chaîne et Donald Trump, et il faut bien une bonne demi-heure avant de rentrer complètement dans l’histoire. Mais à partir du moment où tout se met en place pour essayer de faire tomber le grand patron, on n’a plus envie d’en perdre une seule miette. 
Bien avant le « Me Too », cette lutte intestine au sein d’une chaîne Républicaine (raciste, on peut dire raciste) est d’autant plus importante. Ces femmes qui y travaillent sont plutôt d’accord avec les idées de Fox News, avec les idées de Trump, mais cela ne les empêche pas de vouloir mettre un terme au patriarcat qui les viol sans conditions. On comprend tout. On comprend aussi le Me Too. On comprend pourquoi ces femmes se sont laissées faire, pourquoi ces femmes ont accepté les avances, pourquoi ces femmes ont continué. Quand un homme de pouvoir vous promet le poste dont vous rêvez depuis toujours, poste qui, en plus, vous permettra de payer votre loyer, il n’y a pas trente-six solutions. Comme disait Trump, ces ordures les « tiennent par la chatte ». L’acharnement de la première femme qui libère la parole (Nicole Kidman), la faiblesse tellement compréhensible de la toute jeune en rêve de gloire (Margot Robbie), et l’hésitation à sortir du silence de l’égérie (Charlize Theron), vous tiennent en haleine et vous secouent à chaque instant. Tant d’obstacles qui se mettent au travers de leur route, tant de femmes qui ne les croient pas, et elles ne bénéficient même pas du mouvement qui naîtra quelques années après les faits. En sortant de la salle on ne peut que se réjouir de leur combat et de leur réussite.
La mise en scène, un peu surprenante au début, se révèle être le meilleur choix possible pour le thème de ce film. On a l’impression d’observer le tout comme s’il s’agissait d’un émission télévisée. Caméra épaule, zooms (oh oui, ce zoom que tout le monde déteste dans le Cinéma moderne), angles plats, lumière crue. Tout est fait pour vous plonger dans l’univers. Le film ne raconte pas juste des faits réels, il vous met en scène la réalité pour faire comme si vous y étiez. On part en guerre avec Kidman, on se fait maltraiter en même temps que Robbie, on doute à la manière de Theron. Avoir le point de vue de trois personnages différents est aussi très intéressant, permettant de garder le rythme soutenu et de ne jamais avoir de mou. Souvent les films de plus d’une heure trente mériteraient des coupes, celui-ci n’en a pas besoin. Aucun moment d’ennui (il faut juste attendre un peu avant de pouvoir entrer dans l’histoire), il y a toujours quelque chose à voir, à penser, à attendre. Et bien que la mise en scène puisse passer pour « facile », il y a plusieurs clins d’œil, plein de séquences analysables où certains cadres, certains faits et certains détails veulent dire quelque chose.

Je pense notamment à la scène où le personnage de Charlize Theron et son mari se retrouvent coincés dans un bouchon à l’entrée d’un tunnel surmonté d’un énorme panneau indiquant « restez dans le rang ». Une image qui en dit long sur le conflit du personnage.


Petit plus : Parce que c’est moi, le personnage interprété par Kate McKinnon nous présente une dualité intéressante. Une lesbienne perdue à Fox News. Intriguant, mais intéressant puisqu’on comprend comment elle a atterri ici. Finalement, elle vend tout autant son âme au diable que les autres. Intrigue intéressante aussi, puisque pour une fois dans un film non Queer, aucun baiser lesbien n’est montré, alors qu’il y a bien une scène de drague. Enfin un réalisateur qui n’utilise pas l’image de la lesbienne pour émoustiller le public masculin (ou lesbien…), et ça fait plaisir.

PaulineTP
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le 26 janv. 2020

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